Au gui l'an neuf !- Comme chez les druides.
Le soir du Nouvel An, quand minuit sonne, tout le monde s’embrasse en se souhaitant bonne année, de préférence sous un bouquet de gui accroché au plafond. « Au gui l’an neuf! » crie-t-on. Surtout les amoureux...
On pensait autrefois que le gui avait des pouvoirs magiques. Avec ses feuilles vertes en toutes saisons et ses baies blanches comme des petites boules de lumières, ce «rameau d’or», selon les termes de Virgile, est le symbole de la vie et chasse l’obscurité. Enlacé autour des arbres fruitiers ou des chênes, il a l’étonnante particularité de ne pas toucher terre. Les Gaulois en ont donc naturellement conclu qu’il avait été déposé là par une main divine. En vérité, si le gui ne touche pas terre, c’est qu’il s’agit d’un parasite : une plante disséminée par l’intermédiaire des oiseaux, qui se nourrit ensuite de la branche qu’elle colonise. Difficile de concevoir que le gui, vénéré avec ferveur par nos ancêtres, est considéré aujourd’hui comme un fléau.
S’embrasser sous le gui en signe de paix et d’amour :
une coutume qui remonte aux Gaulois.
Chaque année, pendant le solstice d’hiver, les druides le ramassaient au cours d’une longue cérémonie. Vêtus de blancs, ils sectionnaient les rameaux un par un avec l’aide de petites serpes d’or. Ils avaient pris soin, au préalable, de tendre sous les chênes des grands draps pour réceptionner le précieux végétal. En effet, s’il touchait terre, il perdait immédiatement ses pouvoirs l En récoltant le gui sacré, ils prononçaient une formule rituelle:
«O ghel an heu», qui signifie en celte « Que le blé germe ». L’expression « au gui l’an neuf », altération de cette prière druidique, n’a donc linguistiquement aucun rapport avec le gui, mais elle tire pourtant son origine des cultes rendus à cette plante.
Un peu de botanique.
Un an après sa germination, le petit gui possède une tige courte munie de deux feuilles surmontées de plusieurs bourgeons axillaires. La deuxième année, généralement, deux bourgeons axillaires opposés se développent (le bourgeon terminal avorte), donnant naissance à deux nouveaux rameaux, eux-mêmes terminés par une paire de feuilles. Ce phénomène de ramification dichotomique se poursuit la troisième année et ainsi de suite, si bien que pour connaître l'âge d'un rameau de gui, il suffit de compter le nombre d'articles le long de celui-ci.
Un remède miraculeux.
Le gui a longtemps été considéré comme un remède miraculeux. Il pouvait soigner toutes les maladies, immuniser contre les poisons, assurer bonheur et fertilité tout en protégeant de la sorcellerie. On le porte sur soi comme un talisman ou l’on consomme ses fruits ou ses feuilles, mêlés à d’autres herbes dans la composition de sirops et d’onguents. Puisqu’il est un symbole de paix, il est d’usage - si l’on rencontre un ennemi dans la forêt à proximité d’une branche de gui- de déposer les armes et d’observer une trêve jusqu’au lendemain. De là pourrait venir la coutume de s’embrasser sous le gui en signe de paix et d’amitié lors des célébrations de la nouvelle année. Une habitude si bien ancrée qu’elle est toujours d’usage aujourd’hui dans de nombreux pays européens.
Elle demeure l’une des rares traditions païennes que l’Église n’a pas réussi à s’approprier, bien qu’elle tentât vainement de lui substituer le houx, dont les épines évoquent la couronne du Christ.
Quant aux vertus miraculeuses du gui, elles n’ont pas toutes été fantasmées par les druides : la plante a longtemps été utilisée dans des remèdes contre l’épilepsie ; au XIXe siècle, elle est réputée soigner la coqueluche ; et de nos jours, on la retrouve en faible dose dans les remèdes contre l’hypertension et les maladies cardiaques. Mais attention : surconsommé, le gui est un poison mortel.
Source : Hors série Le Point, décembre 2016