Une jeune femme assise dans la position du yogi, entourée de plantes vertes. Ambiance zen garantie. Bienvenue dans le « Guide des plantes dépolluantes pour un air pur » proposé sur le site Internet d’une grande enseigne de jardinerie. Une autre distribue, via son site, un prospectus « Plantes dé polluantes » dans lequel elle conseille l’utilisation du pothos : « Ce “lierre du diable” se révèle efficace pour assainir rapidement les atmosphères enfumées par la cigarette... ».
Jean-Pierre Garrec, spécialiste de physiologie végétale au laboratoire pollution atmosphérique de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nancy affirme que cela est impossible. Il collabore, avec d’autres chercheurs français, au programme Phyt’air
Ce programme qui vise à évaluer le potentiel des plantes d’appartement pour l’épuration de l’air, a fait tomber le mythe en juin.
« Les plantes en pot ne peuvent absolument pas dépolluer l’air intérieur. Elles captent certains polluants en quantité négligeable. Mais entre capter et dépolluer, il y a un monde ! » Des allégations qui font également bondir Damien Cuny, professeur de physiologie des plantes à Lille et coordinateur du programme Phyt’air: « La fumée de cigarettes est l’un des plus gros problèmes de pollution dans une maison. Mais aucune plante n’apporte de solution pour s’en débarrasser. Un amalgame a été fait entre ce que l’on peut montrer en laboratoire, dans des enceintes closes et contrôlées de quelque 300 litres, et dans une pièce d’habitation qui peut atteindre un volume de 25 000 à 50 000 litres. »
A l’origine de l’essor des plantes dé polluantes, on trouve des recherches sérieuses publiées dans les années 1980 par William Wolverton, alors employé par la NASA. Ce travail montrait que dans des conditions contrôlées de laboratoire très éloignées du quotidien, des plantes éliminaient certains polluants. L’objectif était alors de vérifier si ces plantes pouvaient contribuer à assainir l’air des habitacles des navettes spatiales et des futures stations orbitales. Mais ces résultats ont aussitôt été extrapolés pour aboutir au développement du marché de la purification de l’air. Dans le cadre du programme Phyt’air, les recherches se sont concentrées sur trois gaz toxiques : le formaldéhyde, émis notamment de manière lente par les colles de moquettes ; le benzène, présent dans certains matériaux, dans la fumée de cigarette ou dégagé lors de cuissons d’aliments ; le monoxyde de carbone émanant des appareils de chauffage au gaz et des chauffe-eau mal réglés.
« Les tests ont été réalisés avec trois espèces de plantes en pot : le pothos, la plante-araignée ou chlorophytum, et le dragonnier ou dracaena. Nous souhaitions mettre au point une méthodologie permettant d’accorder à certaines espèces un label “Plante dé polluante” afin d’orienter les consommateurs. Mais un tel label n’est pas envisageable, l’effet des plantes sur la qualité de l’air étant négligeable», explique Joëlle Colosio, chef du service Évaluation de la qualité de l’air à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Ces études ont surtout permis de mettre en évidence un phénomène mal connu du grand public : ce n’est pas la plante elle-même qui capte le plus de polluants, mais son support, c‘est-à-dire la terre. Ce sont les micro-organismes qui y vivent, en particulier certaines bactéries qui métabolisent les molécules toxiques. Si effet zen il y avait, c’est ici qu’il se cacherait, et non dans les feuilles.
Malgré ces mises en garde, le public pourrait continuer à se laisser abuser. Ainsi, Internet se fait actuellement largement l’écho d’un cactus miraculeux qui bloquerait, lui, les ondes électromagnétiques des écrans d’ordinateurs, des téléphone portables, etc. Une allégation fantaisiste qui ne repose sur aucune étude scientifique.
SOURCE : Science et avenir octobre 2010
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