La sonde Cassini vient d'achever son exploration de la planète géante Les mystères révélés de Saturne. Pendant treize ans, l’engin spatial a permis d’en apprendre beaucoup sur cet astre, ses lunes et ses gigantesques anneaux.
En septembre dernier, c’est par un grand plongeon que la sonde américaine Cassini a terminé sa mission : l’engin a piqué, tête la première, dans l’atmosphère de Saturne, enregistrant au passage d’ultimes données avant de se désintégrer. Une apothéose pour la sonde qui, pendant treize ans, a gravité autour de la planète géante, récoltant près de 450 000 images et plus de 600 gigaoctets d’informations. Une mission historique! Alors que les sondes précédentes, envoyées au début des années 1980 par la NASA (Pioneer 11, Voyager I et Voyager 2), n’avaient fait que croiser l’astre aux anneaux, Cassini l’a scruté durant presque deux saisons saturniennes - une saison dure sept ans et demi, et une année près de trente années terrestres. Et ses données ont bouleversé notre compréhension de cette fascinante planète.
Des lunes qui se comptent par centaines. Alors qu’autour de la Terre ne tourne qu’une seule lune, ce sont plus de deux cents objets célestes qui gravitent autour de Saturne. L’un des objectifs de la mission Cassini était de recenser ces satellites naturels, des plus petits - dont le diamètre ne dépasse pas 1 kilomètre - aux plus gros, comme Titan – dont la taille surpasse celle de la planète Mercure.
Sur les clichés pris par la sonde, on découvre l’incroyable diversité de ces objets comme la lune Pan, dont la forme aplatie évoque celle d’un ravioli géant, ou Mimas, un satellite faisant furieusement penser à l’Étoile de la mort de la saga Star Wars. . . Au-delà de dresser un catalogue, Cassini a surtout permis de mieux comprendre la formation de ces satellites, assistant même à la naissance d’une nouvelle lune au sein des anneaux. «Nous avons observé des processus qui ressemblent beaucoup à celui de la formation des planètes», explique l’astrophysicien Sébastien Chamoz, de l’université Denis-Diderot. Des planètes qui se sont, elles, formées il y a 4,56 milliards d’années au sein du disque de gaz et de poussière qui entourait à l’époque le jeune Soleil.
Des anneaux sacrément turbulents.
Les télescopes montraient des anneaux de 360 000 kilomètres de diamètre et d’une dizaine de mètres d’épaisseur, formés d’une multitude de fragments de glace, paraissant immobiles, figés dans une beauté parfaite. En y regardant de plus près, Cassini a découvert qu’au contraire leur surface est loin d’être un long fleuve tranquille! «Nous avons constaté que les anneaux sont extrêmement dynamiques, qu’ils évoluent en permanence en interagissant avec les satellites de Saturne», précise Sébastien Charnoz.
Grâce aux deux caméras de la sonde, les astronomes les ont vus vibrer, osciller, se cisailler, se creuser au passage d’un satellite. . . Quant à l’origine de ces gigantesques disques glacés, «elle reste l’un des grands mystères de la planétologie moderne! » souligne l’astrophysicien. Les astronomes s’accordent à dire que les anneaux sont probablement les débris d’une gigantesque collision — un astéroïde qui aurait percuté Saturne, ou deux satellites qui se seraient télescopés. Les données récoltées par Cassini ne permettent pas de savoir à coup sûr si ce cataclysme est récent (quelques centaines de millions d’années) où s’il remonte à la naissance de Saturne (4,5 milliards d’années).
Une atmosphère fortement brassée par les tempêtes.
À l’instar de Jupiter, d’Uranus et de Neptune, Saturne est une planète gazeuse. Autrement dit, elle est constituée non pas d’un sol rocheux comme la Terre, mais d’un mélange de gaz - principalement hydrogène et hélium - tournant autour d’un noyau solide. Son atmosphère gazeuse est d’ailleurs si peu dense qu’en théorie Saturne pourrait flotter sur l’eau ! Tous les trente ans, cette atmosphère, d’ordinaire plutôt calme, est secouée par une violente tempête nommée «la grande tache blanche». L’événement a pour la première fois été suivi dans son intégralité grâce aux instruments embarqués sur la sonde (caméras, spectromètres, etc.), révélant des caractéristiques étonnantes: à son apogée, cet orage qui s’étend sur 25 000 kilomètres de large fait le tour complet de la planète, produisant des vents soufflant jusqu’à 700 kilomètres par heure. Cassini s’est aussi attardée sur le pôle Nord de Saturne, où les astronomes s’intéressent à un phénomène atmosphérique unique dans le Système solaire : une tempête stationnaire prenant la forme d’un hexagone presque parfait. Pour l’instant, difficile encore d’expliquer comment une telle structure parvient, malgré les cyclones qui ravagent cette région, à se maintenir en place depuis des décennies
Titan, une jumelle de la terre.
En 2005, la sonde Cassini a largué sur la lune Titan un module appelé Huygens, afin d’étudier de près l’atmosphère et la surface de l’astre. Jusque-là, sa surface était restée cachée derrière une couche nuageuse opaque. Les données enregistrées par le petit engin, ainsi que la centaine de survols effectués par Cassini, ont révélé un monde étonnant . . . et étrangement familier. « Nous y avons découvert des continents, des montagnes, des champs de dunes, des fleuves, mais aussi des nuages et de la pluie», énumère François Raulin, professeur et chercheur au Lisa (Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques) à l’université de Paris-Est Créteil. « Il y a donc des analogies avec la Terre, même s’il a aussi de grandes différences, comme la température, qui descend à -180 °C en surface.
Mais aussi le fait que les lacs et les averses ne sont pas constitués d’eau mais de méthane, malgré un cycle similaire d’évaporation et de précipitations.» En réalité, ces conditions hostiles rappellent surtout celles qui auraient pu régner à la surface de la Terre primitive, juste après sa formation. De ce fait, Titan offre aux scientifiques un terrain d’observation très précieux, où se déroulent peut-être des processus chimiques similaires à ceux qu’a connus notre planète il y a plusieurs milliards d’années.
Des mondes qui seraient propices à l’apparition de la vie.
Dans la quête de mondes réunissant les conditions favorables au développement de la vie, les chercheurs s’intéressent à Titan. Car, outre ses océans de méthane, cette lune cache un océan d’eau liquide sous sa surface, comme l’ont révélé les mesures effectuées par Cassini.
La lune Encelade retient, elle aussi, l’attention des scientifiques depuis que la sonde a découvert des geysers qui s’échappent de sa croûte gelée et crachent dans l’atmosphère des particules de glace, de la vapeur d’eau et des composés organiques tel le méthane. « C’est probablement la plus grande surprise de la mission Cassini, se réjouit François Raulin. On observe ici trois ingrédients indispensables à l’apparition de la vie: de l’eau liquide, de la matière organique et de l’énergie puisqu’il a des geysers. » Pour y détecter d’hypothétiques traces de vie, les chercheurs réfléchissent déjà à de nouvelles missions pour prélever des échantillons dans les panaches des geysers d’Encelade. Si Cassini a apporté bien des réponses aux questions des astronomes, Saturne et ses lunes sont loin d’avoir livré tous leurs secrets.
Deux des nombreuses lunes de Saturne
Lune Encelade.
Sous sa croûte glacée, elle abrite un gigantesque océan d’eau liquide. Un environnement qui pourrait être favorable à l’apparition de la vie.
Lune Pan.
La sonde a survolé en rase-mottes cet astre dont la forme évoque un ravioli géant.
Source : Ça m’intéresse, décembre 2017