Plusieurs études remettent en question les bienfaits de cette collation matinale, censée donner de l’énergie pour la journée et éviter la prise de poids.
Tempête dans un bol.
Alors que la littérature scientifique insistait tant et plus depuis une quinzaine d’années sur l’absolue nécessité de prendre ce premier repas de la journée, indispensable au sortir du long jeûne nocturne, voilà que deux études parues cet été dans une revue de référence, l’American Journal of Clinical Nutrition relancent le débat sur le réel intérêt de cette prise alimentaire. Elles remettent en question - comme l’avaient déjà fait des chercheurs de l’université d’Alabama, à Birmingham (États-Unis) (1) en 2013 - les bienfaits de cette collation matinale, en particulier celui d’éviter le surpoids. Les scientifiques soulignent en effet l’importance de nombreux facteurs insuffisamment pris en compte dans les études précédentes, comme l’activité physique ou le milieu socio-économique dont le petit-déjeuner est un marqueur.
Car ce repas a fortement évolué au cours des dernières années. Le plus souvent composé d’un café au lait au début du XXe siècle, il a été peu à peu accompagné de pain beurré puis s’est enrichi à partir des années 1950 de produits issus de l’industrie agroalimentaire telles les céréales.
Aujourd’hui, chez les plus jeunes, le modèle dit anglais a supplanté le modèle traditionnel continental. Faut-il dès lors se passer de ses tartines matinales ? La réponse est beaucoup plus nuancée. « Nous ne sommes bien évidemment pas hostiles au petit déjeuner qui a des avantages pour la plupart des consommateurs de tous âges, mais de là à en faire une ardente obligation pour tous dans l’espoir de lutter contre l’obésité... », commente le professeur Bernard Guy- Grand dans les Cahiers de la nutrition (2). Seule certitude : cette collation permet de faire le plein d’énergie pour démarrer la journée d’un bon pied.
Il est rarement équilibré.
Selon les recommandations françaises édictées par le Plan National Nutrition Santé (PNNS), le petit déjeuner doit couvrir 20 à 25 % de l’apport journalier en énergie, soit 500 kilocalories (kcal) en moyenne pour un adulte. Il devrait se composer d’au moins un produit céréalier - du pain complet ou bis ou des céréales non fourrées et non sucrées- avec une « légère » couche de beurre, de confiture ou de pâte à tartiner (10 g environ). À cela s’ajoute un produit laitier (lait, yaourt ou fromage blanc), un fruit frais ou pressé, ou, à défaut, un petit verre de jus de fruit sans sucre ajouté (3). Les personnes ayant une activité physique modérée à intense en matinée pourront compléter ce premier repas par une source rassasiante de protéines animales, comme une tranche de jambon ou un œuf.
Les messages du PNNS sont cependant peu entendus, puisque seuls 19 % des petits déjeuners des enfants et 13 % de ceux des adultes comprennent les composantes recommandées. La présence de fruit frais est la plus rare : seuls 2 % des enfants et adolescents et 3 % des adultes en consomment lors du premier repas de la journée (4).
Le supprimer n’a pas d’incidence sur le poids
Contrairement à ce que des études anciennes laissaient supposer, des chercheurs américains ont constaté que « sauter » le petit déjeuner n’entraîne pas directement un risque de prise de poids. Une étude parue dans l’American Journal of Clinical Nutrition en septembre (5) a été réalisée auprès de 300 bénévoles présentant un surpoids.
Répartis au hasard en trois catégories, les sujets ont dû respectivement prendre leur petit déjeuner, le supprimer ou poursuivre leurs habitudes alimentaires. Seize semaines plus tard, aucun des bénévoles pesés n’avait perdu ni gagné de poids de manière significative (moins de 1 kg perdu par personne). Les chercheurs ont constaté que la suppression de ce repas du matin n’avait pas conduit les participants à prendre des déjeuners et dîners beaucoup plus copieux, mais simplement à compenser à calories égales sur les repas suivants : le total des calories de la journée n’en est donc pas affecté.
Son effet sur le cholestérol ou la glycémie n’est pas démontré
Dans une deuxième étude récente (6), menée cette fois sur des sujets minces, des chercheurs de l’université de Bath (Grande-Bretagne) se sont intéressés à l’incidence du petit déjeuner sur la tension, le taux de LDL cholestérol, et la glycémie (taux de sucre dans le sang), prédictifs du risque cardio—vasculaire et de diabète.
Ils ont ainsi demandé aux participants de manger ou de sauter le petit déjeuner durant six semaines. À l’issue de l’expérience, la pression artérielle, la cholestérolémie et la glycémie de l’ensemble des participants étaient les mêmes qu’au début. L’étude ne permet cependant pas de conclure si l’incidence de ce repas est également nulle sur les organismes des personnes en surpoids.
LDL-cholestérol Ces lipoprotéines de basse densité (Low Density Lipoproteins) transportent le cholestérol et permettent son entrée au sein des cellules où il sert à la vie cellulaire. Leur dosage dans le sang est un indice de bonne santé cardio-vasculaire.
Il est important pour la concentration et l’activité physique
Des chercheurs britanniques ont analysé en 2009 les données d’une cinquantaine d’études d’observation concernant l’effet du petit-déjeuner sur les capacités des enfants. Leurs résultats montrent que les écoliers qui petit-déjeunent obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les autres, en notant toutefois que cette différence est davantage marquée chez ceux dont le statut nutritionnel et socio—économique est le plus défavorable. La mémoire spatiale et à court terme et la concentration en sont améliorées (7).
D’autre part, l’étude menée à Bath et déjà citée (6) montre que les personnes qui mangent le matin sont plus actives : elles brûlent en effet 500 kcal de plus en moyenne au cours de la journée.
Modèles continental et anglais
Le petit déjeuner continental, (tartines et boisson chaude), est dominant chez les adultes français. Chez les jeunes générations, le deuxième (céréales, lait et jus de fruit) est, en revanche, dominant.
Études et observations
Elles identifient les facteurs (ici la prise du petit déjeuner) associés à des événements de santé (comme le surpoids). Dans les études d’intervention, les chercheurs modifient les prises alimentaires pour changer la réalité.
Brigitte DANCHIN Médecin nutritionniste à Paris
Il reste conseillé, quitte à le décaler
« Le petit déjeuner demeure important, en particulier chez les enfants. Il permet de “refaire le plein” de glucides - qui agissent sur les cellules du cerveau «- de minéraux et de vitamines pour être en forme durant la matinée. Si l’on n’a pas d’appétit au réveil, inutile de se forcer : il faut simplement le décaler en mangeant un fruit frais, un laitage, ou des céréales plus tard dans la matinée. »
30% des adultes et près de 12 % d’écoliers ne prennent pas de petit déjeuner, selon une étude IFOP de 2011.
Notes :
(l) Brown A, Brown B et al. Belief beyond the evidence: using the proposed effect of breakfast on obesity to show 2 practices that distort scientific évidence. Am. J. Clin. Nut., 2073. (2) Bernard Guy-Grand. Petit-déjeuner et obésité : évidence scientifique ou croyances ? Cahiers de nutrition et diététique, 2014. (3) Pascale Hebel. Comment évoluent les petits-déjeuners en France depuis 10 ans ? Cahiers de nutrition et diététique, 2012. (4) Emin J Dhurandhar et al. The effectiveness of breakfast recommendations on weight loss: a randomized controlled trial. Am. J. Clin. Nutr., August 2014. (5) James A Betts et al. The causal role of breakfast in energy balance and health: a randomized controlled trial in lean adults. Am. J. Clin. Nutr, August 2014 (6) Programme National Nutrition Santé: www.mangerbouger.fr (7) Hoyland A et al. A systematic review of the effect of breakfast on the cognitive performance of children and adolescents, Nutrition Research Ravie ws, 2009.
Source Marie-Noëlle Delaby Sciences et avenir n°782, avril 2012.
Mes observations :
J'ai constaté sur moi-même ainsi que sur les élèves de ma classe du temps où j'enseignais, un véritable coup de pompe vers 10h30 / 11h00. Dans 80% des cas le petit déjeuner avait été "oublié". Il est vrai que certains matins la faim n'est pas au rendez-vous, une pomme ou un autre fruit à prendre un peu plus tard permettra de rester dans le mouvement.
Note : je déconseille vivement de regarder la télé au petit déjeuner surtout pour les jeunes. Non, les programmes insipides du matin jamais ne remplaceront ni ne complèteront un petit déjeuner - équilibré, de préférence - !!!