Régulièrement dénoncée pour son impact environnemental, cette matière grasse, extraite du fruit du palmier cultivé en Asie, est aussi mise en cause sur un plan sanitaire. Est-il si facile de s’en passer ?
Dans les margarines, les pâtes à tartiner, certaines huiles alimentaires, les biscuits, les glaces..., l’huile de palme est partout. Cette matière grasse, extraite de la pulpe du fruit du palmier, est produite dans le Sud-est asiatique. La culture du palmier a connu une brusque extension dans les années 1980, entraînant des incendies de très vaste ampleur, provoqués pour préparer les sols. Responsable de 3 % du total des déforestations planétaires (1), cette production a anéanti de grandes étendues de forêts primaires et secondaires, habitats d’espèces comme les éléphants, les tigres, et les orangs-outangs (2), menacés d’extinction.
A cet impact environnemental, teinté de conflits fonciers et sociaux, s’est rajoutée l’image d’une huile peu recommandable sur le plan sanitaire, en particulier cardio—vasculaire. Les industriels tentent aujourd’hui de redorer leur blason en prétendant réduire l’utilisation de l’huile de palme. Des initiatives populaires, mais pas forcément efficaces selon Hubert Omont, délégué aux filières tropicales du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), qui prône d’autres modes d’action : « Un boycott des pays du Nord n’a que peu d’impact car 85 % de la production sont utilisés par les pays du Sud. Il revient à saborder les chances de développer des alternatives durables. » Alors, l’huile de palme peut-elle vraiment être « équitable » ? Et quels sont les risques pour la santé ?
Elle ne contient pas d’acides gras trans.
En raison de son point de fusion élevé, autour de 40 °C, l’huile de palme se trouve à l’état solide à température ambiante. Elle constitue donc un bon liant, apprécié des industriels qui la préfèrent aux autres matières grasses Végétales, lesquelles nécessitent une hydrogénation pour présenter la même stabilité. Or ce procédé industriel produit des acides gras trans athérogènes et cancérogènes, dont la présence doit être signalée par l’étiquetage, et qui sont prohibés par la certification bio.
L’huile de palme résiste également très bien à la cuisson, ne se dégradant qu’à très haute température, soit 240 °C contre 107 °C pour l’huile vierge de colza et 177 °C pour le beurre. Or le sur chauffage des matières grasses peut dégager des substances toxiques, comme l’acroléine, hautement cancérogène (3). De même, l’oxydation à l’air libre, dit rancissement, touche davantage les huiles liquides, plus riches en acides gras insaturés, qui sont des composés sensibles à l’oxydation, que les graisses concrètes.
Elle est riche en acides gras saturés, qui favorisent l’élévation du taux de cholestérol dans le sang.
Composée à 50 % d’acides gras insaturés, contre 8 % pour l’huile de colza et 20 % pour celle d’arachide (4), elle contient notamment 44%d’acide palmitique. Bénéfique sur le plan énergétique, l’acide palmitique a constitué un avantage évolutif mais cette molécule s’accumule dans l’organisme dès que l’alimentation est déséquilibrée. Elle est désormais considérée comme le plus athérogène des acides gras.
Selon une théorie encore très discutée, ses acides gras saturés végétaux seraient cependant moins nocifs que leurs équivalents d’origine animale.
La disposition dans l’espace, plus découverte, des acides gras saturés Végétaux, faciliterait leur attaque par les enzymes digestives, ce qui augmenterait leur élimination par couplage avec du calcium, sous forme de sel de calcium. Démontrée sur un modèle animal, cette hypothèse doit attendre sa transposition à l’homme pour être confirmée (5).
En France, la consommation d’huile de palme est estimée en moyenne à 2,7 g/jour par personne, pour un apport de 1,35 g d’acides gras saturés. Cela représente une partie relativement modeste des 31 à 41 g d’acides gras saturés ingérés au total chaque jour par personne.
Non raffinée, elle est source d’antioxydants.
Comme toutes les huiles végétales liquides et solides, elle est une source majeure de vitamine E (6). Cet antioxydant, facteur de protection naturel vis-à-vis du rancissement des huiles, limite en effet l’oxydation des acides gras polyinsaturés. L’huile de palme vierge est également appelée huile de palme rouge en raison de sa richesse particulière en caroténoïdes, pigments rouge-orangé présentant des propriétés anti oxydantes. Le raffinage, procédé de purification qui permet d’obtenir des huiles plus stables et de goût neutre, réduit cependant la teneur en antioxydant de l’huile de palme. Alors que les taux de vitamine E ne diminuent que de l5 à 20 %, les caroténoïdes sont quasi absents de l’huile raffinée qui perd également sa couleur.
Le palmier produit 5950 litres d’huile par hectare et par an
- contre 1190 litres pour le colza et 1212 pour l’olive -, un atout pour répondre à la consommation de matières grasses à l’échelle mondiale. Une consommation qui augmente d’environ 3 % par an depuis trente ans, principalement dans les pays du Sud. La filière tente d’évoluer vers un modèle plus durable avec la mise en place, suite a des tables rondes avec des ONG, de la certification RSPO (7). A travers huit principes et 39 critères, elle dessine les contours d’un mode de culture plus respectueux des enjeux environnementaux et sociaux. Près de 10 % de la production mondiale sont certifiés RSPO. Mais le plus grand effort reste à fournir par les petits planteurs, qui représentent plus de la moitié de la production et peinent à respecter ces normes.
Lexique
Athérogène : qui produit l’athérome, plaque constituée de lipides se fixant sur la paroi interne des artères
Acides gras trans : acide gras dont la structure biochimique est modifiée par un sur chauffage ou par une hydrogénisation. Présentant des propriétés athérogènes supérieures aux acides gras insaturés, ils sont également cancérogènes.
Hydrogénation : procédé chimique permettant de durcir un corps gras en transformant ses acides gras insaturés en acides gras saturés, afin de le rendre plus stable à la chaleur et de limiter son rancissement.
24,9 kg C’est la quantité moyenne d’huile végétale consommée par habitant et par an à l‘échelle mondiale en 2010. En 1979, ce chiffre était de 11 kg. Une inflation qui s’explique par la hausse globale du niveau de vie, mais qui cache cependant de grandes disparités. Au Niger, ce chiffre s’élève à 4 kg par habitant et par an, tandis qu’il atteint 60 kg en Europe.
NOTES
(1) low will oil palm expansion affect biodiversity? Emily B. Filzherber et al. Tænds in ecology and évolution. Volume 23 October 2008. (2) LP Koh & D8 Wilcove. 2008. Is oil palm agriculture really destroying tropical biodiversity Consem Leit 1:60-64. (3) Acroléine, fiche toxicologique n° 57. Services techniques et médicaux de I'lNRS. M.T. Brondeau, et al, 1999.(4) Marian Apfelbaum, Monique Romon. Abrégé de diététique et nutrition. Editions EIsevier-Masson, 2009. (5) Yasaman Shahkhalil i et al, Calcium supplementation of chocolate : effect on cocoa butter digestibility and blood Iipids in humans, American Journal of Clinical Nutrition, Vol. 73, No. 2. 246-252, February 2001. (6) J.-M. Lecerf. les Huiles végétales: particularités et utilités. Médecine des maladies métaboliques juin 2011, vol. 5, n° 3. (7) Principes et critères pour la production durable d'huile de palme, Roundtable on Sustainable Palm Oil,
Pourquoi a-t-on besoin de l’huile de palme ?
Du côté des industriels, ce sont avant tout ses qualités technologiques et son prix compétitif qui en font un produit recherché. A l’échelle de la planète, sa productivité représente un atout incontestable pour nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050.
Mal connue et peu cuisinée en France, l’huile de palme est en revanche une matière grasse très populaire dans le monde, utilisée surtout en Asie et en Afrique comme huile de table. Introduite en Europe au début du XX° siècle, elle a connu un véritable engouement de la part des industriels à partir des années 80. C’est probablement un argument santé qui porte les premiers pas de son succès; une gageure quand on connaît les controverses actuelles. A l’époque, les industriels sont en effet habitués à travailler avec des huiles qu’ils doivent hydrogéner pour obtenir une texture crémeuse à température ambiante. Or ce procédé entraîne la formation d’acides gras trans, dont les effets néfastes sur la santé cardiovasculaire sont dénoncés depuis quelques années. Contrairement à ses concurrentes de l’époque, l’huile de palme possède naturellement t une texture semi-solide à température ambiante. Donc avec elle, pas d’hydrogénation, ni d’acides gras trans. Aujourd’hui, c’est un faisceau d'avantages qui conforte sa place de choix auprès des industriels : sa texture, qui permet de donner du croustillant et du croquant aux aliments ; sa résistance à l'oxydation et aux fortes températures, qui améliore leur conservation ; et enfin, son prix attractif grâce à l'excellente productivité du palmier à huile.
Nourrir une population croissante Demain, c’est le défi alimentaire mondial qui portera sans aucun doute l’huile de palme. Avec un rendement à l'hectare 6 à 10 fois plus élevé que les autres oléagineux (soja, colza, tournesol) - et qui devrait encore progresser grâce aux efforts de la recherche et à l’amélioration des pratiques culturales -, la culture du palmier à huile apporte une réponse aux besoins croissants en matières grasses de la planète, dans un contexte de moindre disponibilité des terres agricoles.
L’huile de palme : est-elle mauvaise pour la santé ?
On lui reproche sa richesse en acides gras saturés et on la soupçonne d’être cachée dans de nombreux aliments.
Mais dans le cadre d’une alimentation équilibrée, l’huile de palme n’a aucun impact négatif sur la santé et sa consommation reste modérée chez les Français.
La richesse en acides gras saturés (environ 50% - principalement de l'acide palmitique -, contre moins de 20% pour la plupart des autres huiles végétales) lui a ouvert les portes de l’industrie agroalimentaire. C'est en effet grâce aux acides gras saturés que l'huile de palme est naturellement semi-solide à température ambiante. De nombreuses études épidémiologiques rapportent qu’un excès de matières grasses saturées a un effet négatif sur le taux de cholestérol. Mais aucun lien direct n'est toutefois établi scientifiquement avec la santé cardiovasculaire à ce jour. Ces maladies dépendant de nombreux facteurs (contexte nutritionnel et hygiène de vie globale notamment), il est très difficile d’évaluer l’impact de chacun de ces facteurs pris séparément. Le principe de précaution s’applique néanmoins, et il est recommandé de consommer en quantité raisonnable les aliments et ingrédients riches en acides gras saturés.
Un profil nutritionnel complexe
Si l’huile de palme est riche en acide palmitique dont une consommation trop importante est déconseillée, son profil nutritionnel ne se limite pas à cet acide gras. Elle contient également de l'acide oléique, des acides gras mono-insaturés, et même des poly-insaturés (cf schéma ci-dessus). Son profil lipidique est certes moins favorable que l’huile de colza ou de soja, mais elle n’a pas les mêmes usages que ces dernières : elle est plus stable à la cuisson et ne nécessite pas d’hydrogénation. Et comme toutes les huiles végétales, l’huile de palme ne contient pas de cholestérol.
Elle est par ailleurs riche en vitamine E (tocophérols), qu’elle conserve en grande partie à l’état raffiné, ce qui lui permet de ne pas rancir. Enfin, à l’état brut, elle est naturellement riche en bêta carotène : elle en contient environ 15 fois plus que la carotte.
Au final, avec ses qualités et ses défauts, l’huile de palme a tout à fait sa place dans une alimentation équilibrée, à condition, bien sûr, que sa consommation reste modérée comme pour toutes les matières grasses.
Contribution de l’huile de palme aux apports en acides gras saturés des Français.
Une enquête récente du CIREDOC (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie) montre que la consommation d’huile de palme moyenne des français s’élève à 2,8 g par jour. L’huile de palme étant constituée pour moitié d’acides gras saturés, la consommation d’acides gras saturés provenant de l’huile de palme correspond à environ 5% des apports conseillés pour un apport moyen de 2000 'keal, soit une contribution minoritaire. L’estimation du CREDOC est inférieure à celle de 5,5 g d’huile de palme par jour communiquée jusqu’à maintenant par les différents acteurs de la filière qui se fondaient sur les quantités importées pour l’agroalimentaire (126 000 tonnes par an) divisées par le nombre d’habitants (65 millions).
Le portrait du palmier à huile.
Originaire d’Afrique, le palmier à huile (Elaeis guineensis) est aujourd’hui cultivé dans de nombreuses zones tropicales, principalement en Asie du Sud Est. De tout temps, il a fourni aux populations humaines des ressources vivrières, des matériaux, des produits de soin ou d’hygiène.
Le palmier à huile peut atteindre 25 à 30 m de haut. En plantation, sa croissance est d’abord très lente les 3 à 4 premières années, puis rapide jusqu’à 15 ans.
Lorsque le tronc (appelé stipe) atteint 12 mètres (au bout de 20 ans en moyenne), le palmier est remplacé car il est devenu trop haut pour être exploité.
600 à 3000 fruits.
A partir de sa troisième année, le palmier à huile produit toute l’année des régimes pouvant comporter chacun 600 à 3 000 fruits qui seront mûrs en près de 6 mois.
La récolte est réalisée tous les 10 à 15 jours, pour sélectionner les fruits à maturité sur les différents palmiers de la palmeraie.
Il s’agit d’une récolte manuelle, aucune méthode mécanique n’ayant réussi à s’imposer. Quand le palmier est abattu, les palmes servent à faire des balais et à nourrir le bétail ; les fibres, à faire des paillassons ; le tronc, des toits ; et les racines sont utilisées en médecine traditionnelle.
SOURCE : Sciences et avenir n°782, avril 2012.