Ces compléments alimentaires contribuent à rééquilibrer la flore intestinale. Avec des effets dans la prévention ou le traitement de pathologies gastro-intestinales.
100 000 milliards Le nombre de bactéries commensales qu’abrite le microbiote de notre tube digestif, soit 10 fois plus que le nombre de cellules dans notre corps
Dis-moi qui tu héberge, et le te dirai qui tu es ! Depuis quelques années, au travers d’ouvrages et documentaires à succès (1), les recherches concernant le système digestif ont trouvé un large écho auprès du public. Cet organe complexe a, en effet, bien d’autres fonctions que celle d’assimiler les aliments. Le système nerveux entérique abrite en effet le microbiote — 100 000 milliards de bactéries non pathogènes dont l’ensemble des génomes additionnés compte 150 fois plus de gènes que le génome humain.
Un grand nombre d’études montre qu’un déséquilibre de la composition de la flore intestinale peut participer à l’apparition ou à la diffusion de maladies digestives (Mici) mais aussi systémiques - cancer, Parkinson, diabète de type II et jouer un rôle clans l’anorexie et l’obésité. Découvrir des moyens de maintenir ou réparer cet équilibre est donc devenu un objectif majeur. Une quête dans laquelle les pro biotiques, ces compléments alimentaires à base de micro—organismes vivants supposés bénéfiques à l’organisme, font figure de candidats idéaux. Avec un emballement parfois regrettable. « Les pro biotiques pâtissent des erreurs commises par l’industrie alimentaire qui, à la fin des années 2000, a noyé le consommateur de publicités sur des produits laitiers avec des “allégations sante’” [...] qui, ne s’appuyant pas sur des études scientifiques de bon niveau, ont depuis disparu de nos publicités », écrit ainsi la professeure en nutrition Francisca Joly Gomez (2). Ces derniers n’en restent pas moins prometteurs.
Il faut distinguer pro et prébiotiques
Selon l’Organisation mondiale de la santé, un aliment dit pro biotique « contient des microorganismes vivants qui, ingérés en quantité suffisante, exercent des effets bénéfiques sur la santé de l’hôte » (3). Il existe de nombreuses souches de ces micro-organismes vivants dont les plus connues appartiennent aux genres Lactobacillus, Bifidobacterium et Saccharomyces. Les pro biotiques sont naturellement présents dans les yaourts ou le lait fermenté, mais également dans le kéfir, la choucroute ou les olives. Ils peuvent être rajoutés à d’autres aliments (pain au levain, certains dérivés du soja) ou encore vendus sous forme de compléments alimentaires (levure de bière).
De leur côté, les pré biotiques sont des fibres alimentaires, principalement les fructanes (orge, asperges et artichauts en sont riches) et les amidons résistants (banane, légumineuses, riz ou pommes de terre). Ces sucres fermentescibles non dégradés lors de la digestion se retrouvent dans le côlon où ils font office d’« engrais » et stimulent sélectivement la croissance de populations bactériennes.
Ils ont un effet sur certaines pathologies intestinales
Certains probiotiques sont efficaces dans la prévention ou le traitement de pathologies gastro-intestinales (4). Plusieurs essais thérapeutiques ont montré que l’administration de lactobacilles, de bifidobactéries et de certains streptocoques abaisse la durée des gastro-entérites aigües de l’enfant qui guérissent en général spontanément au bout de trois jours.
Dans les diarrhées induites par des antibiotiques, dont l’un des effets secondaires est d’appauvrir le microbiote, l’administration conjointe de Lactobacillus diminue également le risque de diarrhée.
Enfin, leur rôle de protecteur des barrières épithéliales de l’intestin semble aussi avoir un intérêt dans la prise en charge de la colopathie fonctionnelle (syndrome du côlon irritable). En revanche, il n’existe pas de preuves tangibles de l’efficacité des probiotiques dans les Mici, des pathologies graves qui regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique.
Ils ne favorisent pas l’obésité
En 2012, une étude du Pr Didier Raoult (Marseille) sur l’utilisation de probiotiques de la classe des firmicutes comme agent de croissance pour le bétail (5) avait provoqué une controverse quant à l’implication possible d’aliments probiotiques dans l’obésité infantile. En effet, les lactobacilles et les bifidobactéries, qui appartiennent à la grande famille des firmicutes, figurent sur la liste des ingrédients des produits Actimel et Activa.
Mais si des liens entre la modification du microbiote et l’obésité ont bien été établis, aucun chercheur n’a jusqu’à présent montré d’augmentation notable des lactobacilles et bifidobactéries dans la flore des obèses.
Leur effet est transitoire
Les probiotiques transitent par le tube digestif sans le coloniser. Les bactéries fermolactiques les plus tenaces n’y persistent que quelques semaines. Comme toutes les bactéries exogènes ingérées, elles entrent en compétition avec la flore commensale du tube digestif qui maintient l’équilibre bactérien nécessaire aux fonctions intestinales. L’effet des probiotiques cesse donc dès qu’on arrête d’en consommer.
Leur rôle dans la stimulation de l’immunité est à préciser
Environ 60 % de notre système immunitaire est localisé au niveau intestinal où il agit sur la physiologie des cellules locales en renforçant leur rôle de barrière vis—à—vis de certains pathogènes, mais aussi plus largement sur la physiologie de l’ensemble de l’organisme. De nombreux axes de recherche étudient donc l’impact possible du microbiote sur l’immunité, notamment dans l’allergie mais aussi l’asthme, le diabète, l’obésité, le cancer ou encore la maladie de Parkinson. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « ingérer des microorganismes à activité probiotique n’est pas sans effet pour le système immunitaire : chez l’homme sain et pour de nombreuses souches, la plupart des études [...] montrent un effet immunomodulateur ». Mais pour l’heure, toujours selon l’Anses, « la relation entre un effet biologique sur l’immunité et un effet santé reste à démontrer aussi bien chez le sujet sain que dans les conditions pathologiques » (6).
Lexique
- Microbiote (flore intestinale) : Ensemble de micro-organismes (bactéries, levures, champignons microscopiques...) colonisant le tube digestif, où ils vivent en symbiose avec l’organisme. Chaque individu présente un microbiote unique dans sa composition.
- Système nerveux entérique : Réseau de 9 mètres qui part de l’œsophage à l’anus et relie 500 millions de neurones et autant de cellules gliales qui environnent les neurones.
- Bactéries : Organismes microscopiques unicellulaires dépourvus de noyau. Elles peuvent favoriser le bon fonctionnement de l’organisme ou au contraire perturber celui-ci.
Références
(1) Le Ventre notre deuxième cerveau, Cécile Denjean et Héloise Rambert, Éditions Arte vidéo, 2013.
(2)1L’intestin notre deuxième cerveau, Francisca Joly Gomez, éditions Marabout, 2014.
(3) Définition: FAO/ WHO working group report on drafting guidelines for the evaluation of probiotics in food, mai 2002.
(4) Indications for the use of probiotics in gastrointestinal diseases, Girardin M et Seidman EG, Digestive Disease 2011.
(5) The relationship between gut microbiota and weight gain in humans, Raoult D. et al, Future Microbiol. 2012
(6) Effets des probiotiques et prébiotiques sur la flore et l’immunité de l’homme adulte, Jean-Christophe Boclé, rapport de l’Anses, février 2005. Source Marie-Noëlle Delaby 68 -
Source
Sciences et Avenir - Février 2015 - N° 816
Pour en savoir plus sur le « deuxième cerveau » : Le charme discret de l’intestin, Giulia Enders. Actes Sud 2015