Il y a le hasard… et puis il y a la chance. Une part de nous est-elle capable d’ordonner le chaos et d’influer sur les événements en notre faveur ? Exemples et conseils.
Joseph Mazur est mathématicien. À l’occasion de la sortie de son livre Fluke – « coup de bol » en anglais – , il fut interpellé par un lecteur. « En 1989, je voyageais de Philadelphie vers le sud des États-Unis, avec changement d’avion à Washington », lui raconta-t-il. Le deuxième embarquement fut retardé – un moteur devait être changé. « J’ai fait part à mon voisin de mes craintes, poursuivit-il : ma firme, DuPont, n’aurait jamais toléré qu’un avion décolle avec un nouveau moteur sans tests en conditions réelles de vol. » Son voisin lui répondit : « Vous travaillez chez DuPont ? Je viens d’essayer d’appeler l’un de vos collègues, qui m’a laissé un message. Peut-être le connaissez-vous ? » DuPont comptant à l’époque 140 000 employés, c’était peu probable ! Mais l’inconnu lui cita… son nom.
Improbable, mais pas impossible
« C’est extraordinaire, commente Joseph Mazur. Reste que l’ampleur de la masse salariale de DuPont est un biais insidieux. Les chances augmentent à mesure que l’on connaît tous les détails de l’affaire. » L’homme prenait l’avion toutes les semaines. Son entreprise collaborait avec celle de l’inconnu. « Mais impossible d’assigner une probabilité réaliste au fait qu’ils se retrouvent à côté dans la salle d’embarquement », ponctue le mathématicien.
Les fabricants de machines à sous, les assureurs, les lieux publics, tous font appel à des statisticiens pour tâcher de circonscrire le hasard et de configurer leurs offres en fonction. Certains événements, pourtant, échappent à toute velléité de cadrage. En mai 2010, un couple modeste des Hautes-Pyrénées, venu fêter ses treize ans de mariage (oui, treize) à Bagnères-de-Bigorre, joua « pour s’amuser » 50 centimes dans une machine à sous du casino. Ils touchèrent le jackpot : 5,5 millions d’euros ! En mars 2015 à Namur, un ouvrier de 25 ans écoutait son horoscope à la radio quand celui-ci annonça pour son signe une journée « pleine d’argent ». Loin d’être un habitué, il prit la direction du casino et tenta sa chance à la roulette. Il misa 2 euros sur le « 34 ». Gagna. Rejoua le même nombre. Regagna. Son numéro sortit quatre fois d’affilée. Il repartit avec la cagnotte de 60 000 euros que le casino avait promise si une telle probabilité – évaluée à une sur 1,8 million – se produisait ! Ces exemples sont spectaculaires, mais à bien y réfléchir, nous avons tous une anecdote de ce type. Des amis d’enfance sur lesquels on tombe lors d’un voyage au bout du monde. Des objets égarés qui réapparaissent comme par magie... « Il y a dix-huit ans, j’ai répondu au téléphone : c’était une erreur de numéro, confie une personne. Voilà maintenant dix-sept ans que nous sommes en couple ! »
Joseph Mazur raconte aussi l’histoire d’un homme qui vécut dans son enfance près d’un grand chêne, dans le Nebraska. Pendant des années, une balançoire fut attachée à l’une de ses branches. Un soir qu’il s’y amusait, il entendit un craquement. Redoutant la chute prochaine de la branche, il cessa d’utiliser la balançoire. Quarante ans plus tard, lors d’un après-midi venteux, il revint sur les lieux. La balançoire avait disparu. Il leva les yeux… et vit la branche s’écraser sur le sol. « Si l’on estime à dix minutes la durée de l’événement, on dénombre 2 102 400 périodes de dix minutes dans quarante ans, indique le mathématicien. La cote était donc de 2 102 399 contre un, soit la probabilité d’une quinte flush royale à pique au poker. Hautement improbable. » Et si, cependant, une part de nous avait le pouvoir d’ordonner l’aléatoire ?
Cultiver la vibration
Pendant trente-cinq ans, au sein de la prestigieuse université de Princeton, aux États-Unis, Roger Nelson a mené des recherches sur le pouvoir de la conscience. Il a notamment dirigé le Global Consciousness Project, un protocole scientifique destiné à cerner l’impact de l’intention sur le monde. « Nous avons demandé à des gens d’influencer par la pensée le comportement d’un générateur de nombres aléatoires », explique-t-il. Dans des conditions rigoureuses, où aucun paramètre ne pouvait varier, les personnes devaient se concentrer sur des chiffres tantôt hauts, tantôt bas. Le résultat fut significatif, l’expérience suffisamment renouvelée pour être probante : leur intention avait un impact sur les nombres proposés par le générateur. « Nous avons renouvelé l’expérience en faisant intervenir deux personnes », poursuit Roger Nelson. Il s’est avéré que pour être plus efficaces ensemble que séparément, elles devaient se connaître, et savoir interagir l’une avec l’autre. « Dit de manière romantique, pour avoir un impact sur la machine, il faut l’entourer de complicité et de bienveillance. Si je veux avoir un effet sur le monde, je dois développer une relation de qualité avec lui. »
Psychothérapeute, coach en développement personnel et auteure du livre Avoir de la chance, ça s’apprend !, Christine Carstensen constate elle aussi combien développer une attitude amoureuse envers l’univers est générateur de chance. « Pour moi, la chance est un être vivant, indique-t-elle. Elle virevolte autour de nous. Parfois, on la croise, parfois elle s’éloigne, on la laisse passer, on est content de la retrouver. » Cette relation, comme toute autre, se cultive, avec joie et enthousiasme. « Ce qui nous entrave pour faire appel à la chance, c’est l’enjeu sérieux et lourd qu’on fait peser sur elle, observe la spécialiste. Nous exigeons de la chance qu’elle embellisse notre vie, qu’elle nous réserve des surprises, mais que faisons-nous pour l’attirer ? » Elle doit sentir « qu’elle compte pour nous. C’est un dialogue, dont nous sommes coauteurs. »
Pour vibrer à la fréquence de la chance – « plus élevée que la nôtre » – Christine Carstensen conseille de troquer les « oui, mais » pour des « et si ? ». Face à une situation, demandons-nous : quel en est l’aspect positif ? Sur quelle part, même petite, pouvons-nous tenter d’agir ? Que ferait une personne que nous admirons ? En élargissant ainsi nos « possibles », nous gagnerons en liberté et en fluidité ; cela fera écho à la chance. Puis « honorons-la régulièrement », en créant par exemple un « autel de la chance » autour d’une pierre, d’une bougie ou d’une fleur, quelque chose qui nous « connectera quotidiennement à elle ». Et trouvons-nous un « jingle de la chance » : un air que nous aimons, qui fonctionnera comme un rappel. « Écoutez-le trois fois par jour, dansez, chantez, encourage la spécialiste. Les fréquences Chance s’allumeront en vous ! » Autant de moyens, au fond, de faire vivre en soi l’envie d’y croire, d’essayer et d’oser. « Être dans l’ouverture » plutôt que dans la plainte et la peur. « Rêver grand », car la réalité rogne toujours un peu les bords, tout en restant juste dans ce que l’on souhaite. Et garder une confiance absolue, contre vents et marées… « C’est un double mouvement, commente Christine Carstensen : il nous appartient de lancer l’impulsion et d’ancrer une direction dans la matière », comme on jette une bouteille à la mer, « en créant les meilleures conditions pour cela ». Mais ensuite, il faut laisser la chance prendre le relais et nous contacter, de la manière qu’elle le souhaite, « dans une sorte de mouvement réactif de l’univers ».
Parler son langage
Reste à savoir recevoir ses messages. Car son langage est celui des signes, du rêve, de l’intuition. Un dialecte « crypté et poétique », qui nécessite que nous nous mettions à l’écoute, en apprenant à faire taire notre pépiement mental pour nous reconnecter à nos perceptions sensorielles. Respirer, souffler, méditer, faire attention à nos ressentis, « programmer une sonnerie trois fois par jour » pour consacrer deux minutes à nous relier à notre intériorité et voir ce qui vient – images, impressions, idées…
« Dotez-vous d’un carnet à merveilles », conseille encore la psychothérapeute, afin d’y consigner rêves, intuitions, signaux perçus, synchronicités vécues, citations inspirantes, petits morceaux de chance collectés çà et là... « Avant de l’inaugurer, découpez dans des revues des images ou des mots, intuitivement, et collez-les sur les différentes pages », propose-t-elle. Puis remplissez-le, au gré des événements, et voyez comment ce que vous y notez entre peut-être en résonance avec le contenu que vous y avez collé. « Relisez-le régulièrement, pour vous imprégner de la fréquence Chance », poursuit la psychothérapeute. Petit à petit, les informations s’imbriqueront, dessinant une piste, un plan d’action.
Garder une confiance absolue, contre vents et marées.
Attention cependant : la chance ne revêt pas toujours la forme qu’on imagine. « Il ne faut pas s’attendre dès le départ à des miracles spectaculaires ! prévient Christine Carstensen. La chance parle à ceux qui voient l’extraordinaire dans l’ordinaire. » Et qui acceptent qu’elle puisse avancer masquée : un emploi que nous n’avons pas décroché, par exemple, peut nous pousser vers une voie qui nous correspondra au final bien mieux – comme ce fut le cas pour le philosophe Michel Tournier. « Il rata deux fois son agrégation de philosophie, explique la psychothérapeute. La chance lui montra le chemin d’une radio, pour laquelle il écrivit des messages publicitaires, jusqu’à ce que ses responsables détectent qu’il avait une belle voix, et lui proposent de raconter à l’antenne l’histoire des grands philosophes. Il pratiqua la philosophie autrement, et épanouit son talent de narrateur. »
La graine que l’on plante, l’essence de ce que l’on souhaite, est de notre responsabilité ; libre de sa mise en scène, la chance choisit le chemin qui mènera à sa floraison. Christine Carstensen se souvient ainsi avoir voulu, au début de sa vie professionnelle, se former à la PNL, mais ne pas avoir l’argent pour le faire. « Je me suis alignée dans mon intention de -réunir le montant nécessaire, puis j’ai lâché l’affaire », dit-elle. Lui est alors venue une proposition pour former en Turquie des managers à la relaxation. « En retour, j’ai reçu exactement la somme dont j’avais besoin pour payer ma formation complète de PNL, explique-t-elle. Pas un sou de plus ! »
SOURCE : Inexploré n° 35 publié le 29.06.2017 par Réjane EREAU