Bien vieillir: le modèle japonais.
Vivre 100 ans? C'est possible ! En prenant exemple sur le Japon qui compte le plus grand nombre de centenaires.
Quelle est la recette de la longévité des centenaires japonais? Autonomes et en bonne santé, les «super seniors» ont révélé leurs secrets à la journaliste Junko Takahashi. Dans son livre la Méthode japonaise pour vivre 100 ans (Albin Michel), véritable fontaine de jouvence, elle dévoile leurs habitudes: aliments favoris, croyances, philosophie de vie, rythme quotidien... Certaines de leurs coutumes peuvent même s'adapter à notre mode de vie. Le Pr Bernard Sablonnière (L'Espoir d'une vie longue et bonne: les promesses de la science, Odile Jacob), médecin et biologiste à l'Inserm, qui vient lui-même d'écrire un ouvrage sur la longévité, nous livre ses commentaires avisés.
On prend de bonnes habitudes.
On pratique le « rajio taisô» Depuis les années 20, dès 6 h 30, la radio, puis la télévision, retransmettent des exercices de gymnastique. Au travail, à l'école ou à la maison, les Japonais s'y adonnent pour démarrer la journée du bon pied. Les centenaires les pratiquent également, que ce soit pendant le ménage ou le jardinage. «L'activité physique renforce l'action bénéfique de l'insuline », explique le Pr Sablonnière. Sans elle, l'assimilation des aliments se dérègle, entraînant des risques métaboliques (surpoids, diabète). Augmenter la sécrétion d'insuline permet un renouvellement des organes. Lorsqu'on bouge, le muscle sécrète de l'isirine. Or cette protéine récemment découverte rétablit et répare des connexions dans le cerveau, le maintenant en bon état. On s'occupe de soi... et des autres « Consciencieux, les centenaires nippons prêtent davantage attention à leur santé et aux autres, constate le Pr Bernard Sablonnière. Les Japonais ont peu de comportements à risque et se responsabilisent en effectuant des bilans de santé régulièrement.» On se lave les dents! En voilà une drôle de pratique pour prolonger l'existence. Mais l'hygiène dentaire tient une grande importance au Japon depuis les années 90. Dentier, prothèses, implants... aujourd'hui, les « vieux » Japonais chouchoutent leur dentition pour continuer à mastiquer. Objectif? Préserver une alimentation variée et éviter la dénutrition et la fonte des muscles.
On revoit notre rapport à la nourriture.
On adopte le «hara hachi Fun me» Beaucoup de Japonais,-dont les plus âgés, s'arrêtent de manger avant même la satiété. Ils appellent cela le hara hachi bun me. Traduction littérale: «la règle du ventre à 80 % ». Cela consiste à n'absorber que de petites quantités et à poser ses couverts avant les dernières bouchées. Selon les scientifiques, se restreindre provoque une adaptation du métabolisme, qui diminue la production de radicaux libres responsables du vieillissement de nos cellules. Pour le Pr Bernard Sablonnière, «la restriction calorique peut s'effectuer de deux façons, soit en se limitant sur l'un des deux repas principaux, soit par des jeûnes intermittents d'une journée tous les sept jours ».
On mastique chaque bouchée.
Hidekichi Miyazaki (107 ans) est recordman du 100 m dans la catégorie des seniors de plus de 105 ans. Il mesure 1,53 m et pèse 42 kg. Il témoigne: « Je mastique trente fois chaque bouchée et je mange peu. Ainsi, je ne fais pas trop travailler mon estomac. Je crois que c'est la clé de la longévité.» Une bonne mastication facilite la digestion et l'assimilation des aliments. Mais ce n'est pas tout! Selon le Dr Shibata, gérontologue, «la salive contient une protéine, l'histatine, aux propriétés anti-de vivre infectieuses, anti-inflammatoires et régénératrices, qui ralentit le vieillissement ».
On cultive le plaisir
On revisite notre assiette.
On remplace la viande. Le menu des Japonais se compose essentiellement de riz, de bouillon, de poissons crus, grillés ou mijotés, de légumes et de soja. Une alimentation riche en protéines végétales et en spermidine (présente aussi dans le fromage et les céréales complètes). Celle-ci devrait faire parler d'elle, selon le Pr Sablonnière. « Elle mime l'effet d'une restriction calorique et réduit le vieillissement des organes en améliorant l'activité locomotrice, la fonction cardiaque et la mémoire, avec, chez la souris, une baisse du risque de cancer.»
On se met aux super aliments.
L’Archipel regorge d'aliments santé comme le goya, une courge amère aux vertus antidiabétiques, le shikuwasa, un agrume aux effets anti-inflammatoires, ou le getto, une plante riche en resvératrol, un antioxydant présent dans le raisin, dont les effets sur la longévité sont démontrés chez l'animal. Alors, on ne s'en prive pas et on mise aussi sur les légumes santé «bien de chez nous» comme le chou ou la carotte.
On ne boude ni le thé ni le café. Pourquoi?
Parce que ces boissons font grimper le taux de leptine et d'adiponectine, des hormones produites par le tissu adipeux. Le sang des centenaires actifs en contient de grandes quantités. Elles sont impliquées dans la régulation du métabolisme des sucres et des graisses. «Un taux élevé d'adiponectine et de leptine module aussi l'appétit et réduit les risques de diabète, de surpoids et de maladies métaboliques», souligne le Pr Sablonnière.
On trouve son « ikigaï».
C'est un état d'esprit que l'on peut traduire par « raison d'être ». Savoir pourquoi on se lève tous les matins, connaître nos capacités, consacrer du temps à nos passions... Pour le trouver, il faut avant tout être très actif, avoir «des émotions positives teintées d'optimisme », explique le Pr Sablonnière. On s'entoure d'amis Là où l'espérance de vie est la plus élevée, les gens forment des groupes d'amis appelés moaï. Être entouré est primordial et influe sur notre comportement sanitaire et alimentaire. «Une attitude ouverte sur les autres et extravertie qui contribue à la longévité», confirme Bernard Sablonnière. Alors, on ne reste plus jamais seul à ruminer
Source Version Femina n°862, par Marie-Laurence GREZAUD
Photos : mon voyage au Japon - août 2019