Il l'a cultivée... puis pillée. Devenu un super prédateur, l'homme a fait basculer la planète dans une nouvelle ère géologique, l'anthropocène.
Soumis à la nature durant des millions d'années, l'homme influence désormais le climat et la biodiversité. À tel point qu'après le pléistocène et l'holocène — les deux premières divisions de l'ère quaternaire —, il a fait entrer la Terre dans une nouvelle époque géologique: l'anthropocène. Depuis 1750, il a en effet relâché dans l'atmosphère 1 000 milliards de tonnes de CO2, et il accapare désormais en moins de huit mois la totalité des ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en... un an. « En l'absence de catastrophe majeure, l'humanité restera la principale force de transformation de la Terre pour les milliers — voire les millions — d'années à venir », prédit le météorologue néerlandais Paul Crutzen, prix Nobel de chimie 1995.
Dans quelques mois, l'Union internationale des sciences géologiques, à travers sa Commission pour la stratigraphie du quaternaire, va décider de la date officielle du basculement dans cette nouvelle ère. Une équipe de l'université de Leicester (Angleterre) a défini les quatre changements clés qui définissent l'anthropocène : l'homme est le facteur d'une dispersion sur tous les continents de certaines espèces animales et végétales; il en oriente l'évolution génétique; il est devenu le « top prédateur » sur terre et sur mer; et les technologies qu'il a inventées ont un impact sur la biosphère. Mais fixer une nouvelle époque géologique ne se fait pas sur des impressions. Il faut un marqueur physico-chimique, un « clou d'or », révélant un changement sur l'ensemble de la planète.
Lequel choisir pour l'anthropocène?
Le petit âge glaciaire de 1610
En 2000, Paul Crutzen et le biologiste américain Eugene Stoermer, promoteurs de cette notion, avaient symboliquement suggéré 1784, année de l'invention de la machine à vapeur. Mais l'université de Leicester milite, de son côté, pour le 16 juillet 1945, date du premier essai de bombe atomique: à partir de ce jour, des radionucléides artificiels se sont dispersés sur toute la surface de la planète, et ils seront encore mesurables dans des milliers d'années. L'année 1964 est également envisagée, car on y a quantifié, dans l'air, les océans et sur les sols, le maximum de concentration en radionucléides et polluants chimiques persistants. Certains anthropologues jugent cependant que les débuts de l'agriculture, il y a 8 000 ans, seraient plus pertinents.
En mars 2019, deux géographes anglais, Simon Lewis et Mark Maslin, ont proposé 1610, ou les conséquences de la découverte de l'Amérique. Les Européens ont en effet apporté avec eux des microbes inconnus dans le Nouveau Monde. Résultat: la population américaine a chuté de 54 millions d'individus en 1492 à 6 millions en 1650 !
65 millions d'hectares de terres agricoles ont été abandonnées à la forêt et aux landes. Toute cette végétation a stocké le CO2 atmosphérique, réduisant l'effet de serre et provoquant le petit âge glaciaire de 1610. On en trouve trace au forage de Law Dome en Antarctique, où la teneur en CO2 dans l'atmosphère de 271,8 parties par millions, ou ppm, est la plus basse de l'holocène. Pour mémoire, nous sommes aujourd'hui à 400 ppm. La Commission a donc l'embarras du choix! Une seule certitude: l'homme est aujourd'hui plus que jamais au cœur des équilibres... ou déséquilibres naturels.
Lexique
Le terme Anthropocène, qui signifie « l'Ère de l'humain », a été popularisé à la fin du XXe siècle par le météorologue et chimiste de l'atmosphère Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995 et par Eugene Stoermer, biologiste, pour désigner une nouvelle époque géologique, qui aurait débuté selon eux à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, et succéderait ainsi à l'Holocène.
Le terme « Anthropocène » n'a pas été officiellement reconnu ni ajouté à l'échelle des temps géologiques, car, malgré un premier débat engagé en août 2012 à l'occasion du 34° congrès international de géologie réuni à Brisbane, en Australie, de nombreux géologues le jugent inadapté, anthropocentrique ou non fondé par des preuves scientifiques suffisantes.
Une rencontre s'est tenue à Oslo du 24 au 28 avril 2016 au terme de laquelle une quarantaine de chercheurs indiquent qu'il y a lieu d'officialiser le concept.
Sources
- Wikipedia
- Hors Série Sciences et Avenir (sept-oct 2015) par Loïc Chauveau
Sur ce site :