Accidents, chutes, naissance difficile... De quelle manière notre corps emmagasine-t-il ces traumatismes?
Et si vos douleurs d’aujourd’hui s’expliquaient par un accident survenu dans l’enfance et dont vous vous souvenez à peine ? C’est le cas pour nombre de personnes souffrant de douleurs chroniques, estime Jérôme-Olivier Bernard, ostéopathe : «A 45 ans, l’une de mes patientes se plaignait de fortes douleurs. Elle présentait une déviation du bassin et de la hanche, comme si elle était tractée par la jambe. En réfléchissant, nous avons retrouvé le lien avec une chute pendant laquelle, enfant, elle était restée accrochée à son cheval lance au galop.» Lors d’un choc, l’onde se propage à travers les muscles, les os, les membranes, les organes, ce qui va générer des tensions – notamment au niveau des tissus conjonctifs qui soutiennent tous ces éléments - et limiter les mouvements Et un beau jour, en faisant ses lacets, c’est le lumbago.
« Dans le cas d’une fracture, on comprend plus aisément qu’il reste des séquelles. S’il y a eu déplacement de l’os, la douleur peut persister des années Mais près de 80 % des traumatismes (chute sur le coccyx, coup du lapin...) n’entrainent ni plaie ni fracture, indique l’ostéopathe Jean-Pierre Aubry.
Ce qui explique qu’ils soient si vite oubliés»
Le problème, c’est leur répétition.
Un violent choc dans la cour a la maternelle, une chute à skis, un accident de voiture apparemment sans gravité. .. Des déséquilibres s’accumulent ainsi dans notre corps. Et ce, des la vie utérine. Le fœtus absorbe toutes les tensions de son environnement, en particulier lors de l’accouchement, et des problèmes de santé peuvent resurgir des années plus tard. C’est le cas de Jeff, l’un des patients suivis par Jean-Pierre Aubry. Souffrant de sinusites, bronchites et otites à répétition pendant l’enfance, il est opéré plusieurs fois à l’âge adulte. Sans résultat. Ce n’est qu’après deux ans de manipulations ostéopathiques que son état s’améliore progressivement. Avec une explication à la clé : lors de sa venue au monde, le bassin de sa mère, gymnaste, se trouvait rétracté à la suite de nombreuses chocs sur le périnée. Vraisemblablement, lors du travail, la tête du bébé avait buté sur le col de longues heures, entrainant un resserrement des sinus et de la trompe d’Eustache.
Une IRM montre qu’une lésion des tendons est toujours en train de cicatriser deux ans après L’activité Sportive, elle aussi, peut laisser des traces indélébiles « Prenez les rugbymen, leurs oreilles en chou-fleur sont dues aux hématomes répétés au niveau du lobe lors des corps-à-corps ou des plaquages. A force, ces tuméfactions se transforment en calcifications», explique le Dr Marc Rozenblat, médecin du sport. Chez les grands coureurs, c’est la rupture du tendon d’Achille qui menace. «Théoriquement, il met six semaines à cicatriser. Mais, en pratique, on ne revient jamais véritablement à l’état antérieur, il reste une fragilité. L’IRM montre ainsi qu’une lésion tendineuse est toujours en train de cicatriser deux ans après. Pendant ce temps, le corps s’adapte en compensant à d’autres endroits », indique le médecin. Pour éviter d’avoir mal, le patient va ainsi avoir tendance à déplacer le poids du corps sur la jambe non douloureuse risquant de provoquer des lésions au niveau de la cheville et/ou du genou.
Les mêmes processus sont en branle dans certaines professions. Favorisés par les mouvements en force, les postures extrêmes, les gestes répétés, les vibrations et même le stress, les troubles musculo-squelettiques qui affectent tendons, muscles et nerfs autour des articulations sont parfois irréversibles. Cervicalgies, tendinites du coude, syndrome du canal carpien . . ., ils représentent 83 % des maladies professionnelles et touchent plus de 40 000 personnes.
Et le travail sur écran ne met pas à l’abri.
«A force de rester assis, les muscles de la ceinture abdominale et lombaire perdent leur tonicité et leur élasticité. Le bas du dos n’est plus maintenu et cela peut provoquer une lombalgie chronique », met en garde l’ergothérapeute Sandrine Toupart, dont la mission est d’aider les personnes à préserver leur autonomie dans leur environnement quotidien. Autre conséquence à long terme de cette sédentarité : des épaules qui partent trop vers l’avant et se referment, créant un rétrécissement de la cage thoracique. Les cervicales sont sur-sollicitées et la capacité respiratoire est réduite.
L’ostéopathie, qui s’intéresse de près à la mémoire tissulaire des chocs intervenus au cours de la vie, peut contribuer à effacer ces « souvenirs » corporels. Concrètement, en posant les mains sur le corps, le praticien perçoit des micro mouvements, des informations sur les tissus, leur état de tension, les zones de mobilité réduite. Il accompagne alors ces mouvements jusqu’au bout afin de les majorer et ainsi aider le corps à réintégrer la position qui existait avant le traumatisme.
Adopter une bonne hygiène de vie, avec un minimum d’activité physique, est aussi une bonne façon d’empêcher les déséquilibres de s’inscrire dans le corps. «Si vous travaillez assis, faites une pause au moins toutes les 2 heures et marchez. L’étirement du matin est également bénéfique », selon Sandrine Toupart. Certaines entreprises l’ont bien compris Depuis 2013, la société de transport de marchandises DHL organise sur ses sites français un programme d’échauffement musculaire quotidien pour ses salariés.
Philanthrope ? Le procédé aurait surtout contribué à baisser de moitié le nombre d’accidents de travail.
Source : Ça m’intéresse - novembre 2015
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