Le portail sud de la cathédrale met en scène les vierges folles et les vierges sages.
La parabole de ces Vierges est tirée du chapitre XXV de l'évangile selon Matthieu. « Folles » s'entend au sens de dépourvues de sagesse, manquant de bon jugement.
Et ce bon jugement est fait de connaissance, celle qui permet une approche plus vraie des choses de la vie.
Cette connaissance est ici symbolisée par les parchemins déroulés que tiennent les Vierges sages. La lampe symbolise la lumière. La lumière éclaire celui qui marche au-devant de l’Époux (rejoindre Dieu). C'est la connaissance qui permet de discerner l'essentiel de l'accessoire. Les Vierges, grandeur nature, sont alignées aux pieds-droits encadrant le portail sud de la grande façade occidentale. C'est un lieu de passage important pour entrer (ce n'est plus possible depuis les contraintes liées à Vigi-Pirate) dans la cathédrale à partir du parvis, de même que pour en sortir. C'est aussi une décoration extérieure, donc à l'usage également du chaland d'hier comme du touriste d'aujourd'hui. Il s'agit ainsi d'un emplacement de choix, l'un même des tout premiers de la cathédrale. La décoration a donc été savamment pensée et une multitude de scènes venant de l'Ancien ou du Nouveau Testament auraient pu être retenues. Pour en expliquer le sens profond, on a utilisé l'astrologie qui a été associée à la parabole des Vierges...
Les Constructeurs voulaient enseigner que l'être humain peut parcourir son existence soit de manière « folle », soit de manière « sage ». Chacun d'entre nous peut déterminer sa conduite, soit en s'instruisant à partir de l'apparence des choses, soit en écoutant leur signification plus profonde. L'être humain ne peut voir à la fois qu'une face des choses : il ne peut découvrir l'autre face (ésotérique) qu'en raisonnant à partir de celle qui est visible (exotérique). Toute chose aura donc une cause physique (apparente) et une cause métaphysique (plus significatrice).
Les Vierges qui devaient se préparer afin de pouvoir s'unir à l’Époux quand il arriverait, signifient le terme ultime de toute existence qui est de fusionner en Dieu quand les qualités ont été élaborées à un point de perfectionnement tel qu'elles ne diffèrent plus de celles de Dieu même. Ce portail s'appelle le Portail du Jugement dernier.
Les cinq Vierges sages signifient donc l'homme sage, et les cinq folles l'homme superficiel qui, en fin de compte, manque la finalité de son existence, et ne peut fusionner avec l’Époux dont il n'a pas élaboré les qualités par manque de discernement.
Ceux qui pensèrent la décoration du portail sud de la grande façade occidentale ont voulu nous enseigner que « pour aller vers la cathédrale », en d'autres termes, pour donner la bonne finalité à nos existences et rejoindre l'Époux, il fallait suivre ce qui est enseigné par le zodiaque ; tandis que « pour aller vers la ville, vers le monde », en d'autres termes, pour vivre superficiellement, d'une façon routinière, il n'y avait qu'à suivre l'apparence des choses. Tout cela est beaucoup plus facile à lire sur la cathédrale même que dans ces lignes d'écriture. Aux cinq Vierges sages, fut ajouté l'Époux dont il est question dans le texte de Matthieu. Et aux cinq folles, le Tentateur, l'homme qui cherche avant tout la satisfaction de ses besoins corporels. Il ne figure pas dans le texte de l'évangéliste. Il est loin d'être laid à première vue. Il se présente bien. Il est couronné et montre une pomme qu'il se réjouit déjà de pouvoir croquer sans se cacher des Vierges folles. Mais, dans son dos, il n'y a que « ruines de l'âme », : serpents, rats et crapauds sculptés dans la pierre.
Pour bien saisir toute la richesse de cette décoration-enseignement, il faut reculer de quelques mètres du portail comme quelqu'un qui hésiterait à entrer dans la cathédrale ou à repartir vers la ville. Moment crucial d'hésitation, de choix, que tout homme rencontre dans son existence : choisir entre deux comportements, deux philosophies, etc. Si l'hésitant regarde à droite, la décoration le conduit à entrer dans la cathédrale, c'est-à-dire dans l'enseignement qui y est dispensé. En effet, l'Époux se trouve tout près du portail et, par un geste du bras droit, de l'index et du majeur, invite les Vierges (et les passants) à passer devant lui vers le portail. En regardant les socles qui supportent les statues de droite, l'hésitant voit les signes du zodiaque. Si l'hésitant regarde à gauche sans changer de place, la décoration le conduit à retourner vers la ville. En effet, au plus loin du portail se trouve le Tentateur qui invite les Vierges folles (et les passants) à délaisser la cathédrale pour aller en ville.
En regardant les socles, il ne voit plus les signes du zodiaque mais une scène charmante retraçant l'activité routinière de l'homme durant les mois de l'année. C'est l'aspect superficiel du sens de l'activité humaine.
Aujourd'hui encore, nous pouvons méditer de bien des façons, et à bien des niveaux de lecture, l'enseignement considérable et actuel de ce portail !
N'est-il pas étonnant de constater aujourd'hui — alors que l'astrologie est rejetée tant par les Églises que par le monde appelé scientifique — que le zodiaque a été utilisé ici dès le début du XIII° siècle, à l'époque de la grande foi religieuse, comme représentant la compréhension profonde du sens et des processus de l'existence à l'égal même de ce que l'Époux (Dieu) considérait comme le plus apte à conduire l'être humain dans la cathédrale, puis à parvenir dans les conditions idéales au Jugement dernier?
PHOTOGRAPHIES :
Elles proviennent toute de ma collection personnelle.
SOURCE :
Ferdinand DAVID, la cathédrale de Strasbourg et l'astrologie. Ed du Rocher. 1992
J-J MEYFROID, le chemin de lumière. Ed Coprur 1998
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