Une citation phare.
C’est l’humilité qui a fait naître de la Vierge le Fils de Dieu, il est né de cette humilité qui s’est manifestée loin des étreintes d’un homme, des séductions de la chair, des richesses terrestres, des ornements dorés et des honneurs du monde.
Le Fils de Dieu fut couché dans une crèche parce que sa mère était une pauvresse. L’humilité sans cesse gémit, intercède et anéantit tous les crimes. [. . .] La charité également, qui porte le Fils unique au ciel dans le sein du Père, l’a placé sur la terre dans le sein de sa Mère, car elle ne méprise ni les pécheurs ni les publicains, mais elle fait effort pour que tous soient sauvés. L’humilité et la charité sont plus brillantes que les autres vertus. L’humilité est comme l’âme et la charité comme le corps, elles ne peuvent être séparées l’une de l’autre, elles opèrent ensemble.
Scivias, « Livre des visions » (115] Traduction Pierre Dumoulin.
Le point de vue de Jacques Gauthier, essayiste québécois.
Hildegarde se définit comme une pauvre petite forme qui n’a ni santé, ni force, ni savoir. Et pourtant, elle sera la grande conscience spirituelle de son siècle avec saint Bernard, cherchant Dieu dans la Création et dans sa vie. Elle développe surtout une spiritualité de la Création qui débouche sur la joie et la louange. Une lumière divine l’instruit dans le secret de son cœur. Jouissant d’un don de vision depuis son enfance, elle transmet ce qu’elle voit et entend. Les écrits de celle qu’on va appeler « la sibylle du Rhin » donnent de l’univers une vision étonnante de modernité.
Hildegarde s’émerveille sans cesse du monde en mouvement, de la verte fraîcheur de la vie reçue de Dieu, de la Création qui se continue, du dialogue constant entre la Trinité.
Elle se préoccupe de ce qu’on appelle aujourd’hui l’environnement. Elle montre que l’immoralité humaine trouble l’équilibre écologique et la santé. Elle voit l’homme dans sa totalité, unissant le corps et l’âme, prônant une médecine globale. La bénédictine n’est pas seulement versée dans l’art médical par les plantes, elle est aussi douée pour la musique et la peinture, composant au moins soixante-dix pièces musicales. Elle voit le cosmos comme une symphonie invisible, la prière comme une musique de l’Esprit Saint. Elle écrit: « Le corps est l’atelier de l’âme où l’esprit vient faire ses gammes ». Benoît XVI reconnaît son génie féminin et son prophétisme, aussi bien du point de vue de la recherche scientifique que de l’action pastorale, en la proclamant docteur de l’Église.
Bio express
1098 Naissance au château de Bermersheim [Allemagne région de Rhénanie]
1136 Élue abbesse de l’abbaye de Disibodenberg
1141-1151 Écrit le Scivias et de nombreux chants
1147-1148 Le pape Eugène III approuve les écrits d’Hildegarde
1150 Fonde le monastère du Mont-Saint-Rupert, près de Bingen
1158-1170 Prêche en public
17 septembre 1179 Décès à 81 ans au Mont-Saint-Rupert
7 octobre 2012 Benoît XVI proclame Hildegarde docteur de l’Église
Le jour où…
En 1147, au synode de Trèves, Bernard de Clairvaux supplie le pape Eugène III d'accorder au nom du Christ la permission à Hildegarde de Bingen d’écrire et de publier ses visions. Le pape en profite pour mandater une commission d'évêques qui examine si les écrits d’Hildegarde sont conformes à la foi catholique, si elle ne serait pas une fanatique exaltée.
Vers la fin du synode, Eugène III fait la lecture publique du rapport de la commission devant dix-huit cardinaux et de nombreux évêques et théologiens qui confirment son don de vision l’encourageant à écrire ce que l’Esprit Saint lui inspire. Elle écrira les deux seuls livres de médecine du XII° siècle. La musique, la poésie, la médecine naturelle et les visions théologiques de ce génie féminin de son siècle ont trouvé un nouveau public de nos jours.
A lire
Scivias « Sache les voies »
ou « Livre des visions », présentation et traduction par Pierre Monat [Cerf 1995].
Source : Panorama, décembre 2017