1,7 million de tonnes : la consommation d’huile alimentaire annuelle en France. Notre pays est le deuxième producteur européen d’huiles végétales après l’Allemagne
Quelles huiles alimentaires faut-il privilégier ?
Aucune d’entre elles ne possède une composition nutritionnelle idéale. Il est nécessaire de les alterner pour garantir un excellent équilibre entre les différents acides gras et profiter des vertus antioxydantes de certaines.
Huile de chanvre, de lin, de caméline, de coprah, de pépins de cassis ou d’avocat…un inventaire à la Prévert investit depuis quelques années les rayons des épiceries fines et magasins spécialisés en diététique. Beaucoup d’entre elles comptent concurrencer, sur le terrain des aliments santé, l’indétrônable huile d’olive, ambassadrice du régime crétois dont l’intérêt dans la prévention des maladies cardiovasculaire et de l’hypertension artérielle a été démontré.
Beaucoup de nouvelles venues mettent en avant leur richesse en oméga 3, des acides gras réputés pour leur implication dans la fluidité du sang et le développement cérébral.
« Mais si certaines d’entre elles sont richement dotées en oméga 3, elles n’en demeurent pas moins des produits de luxe dont la production confidentielle est incapable de couvrir les besoins des Français. De plus, elles se conservent souvent mal», précise le Dr Philippe Legrand, chercheur en nutrition à l’Inra, qui rappelle qu’aucune huile ne possède une composition nutritionnelle idéale et il faut donc avoir recours à plusieurs d’entre elles pour couvrir nos besoins lipidiques.
Elles se composent de différents acides gras
Les huiles végétales sont composées à presque 100 % de lipides, molécules constituées d’un assemblage d’alcools et d’acides gras (AG). Ces AG se divisent en trois familles distinctes : les acides gras saturés, mono insaturés (oméga 9) et polyinsaturés (oméga 6 et 3) qui s’associent différemment selon les huiles.
Ainsi, celles riches en acides gras saturés sont principalement les huiles de palme, de coprah (noix de coco), et de beurre de cacao. Solides à température ambiante, ces huiles constituent des liants appréciés des industriels qui utilisent largement l’huile de palme dans leurs produits transformés Les mono insaturés comprennent les huiles d’olive, d’arachide et de tournesol oléique (variété particulière de tournesol), les oméga 9 les rendant stables à haute température, même en friture. Quant aux polyinsaturés, il faut distinguer celles riches en oméga 6 (tournesol, mais, soja, noix, noisette, argan ou amande) de celles riches en oméga 3 (colza, lin, chanvre, cameline ou pépins de cassis).
Il faut limiter les acides gras saturés
90 g de lipides (1 g= 9 kcal) suffisent à couvrir nos besoins journaliers en matières grasses qui, selon les recommandations, ne doivent pas dépasser 35 à 40 % de l’apport calorique total. Ces apports conseillés incluent 2 à 3 cuillères à soupe d’huile végétale par jour. Les huiles végétales ne doivent donc pas être trop riches en acides gras saturés, déjà largement fournis par les graisses animales, et qui ne devraient pas dépasser 12 % de nos apports totaux.
Les acides gras saturés à chaîne longue (acide laurique, myritique et palmitique), les plus courants, sont en effet athérogènes et, en excès, entraînent un risque de maladies cardio-vasculaires. Ces huiles peuvent, en revanche, nous aider à satisfaire nos besoins en acides gras mono insaturés (oméga 9), neutres pour la santé (15 à 20 % de nos apports totaux), et en acides gras polyinsaturés (oméga 6 et 3), dits essentiels, car notre corps ne sait pas les fabriquer à partir d’autres acides gras (6 % de nos apports totaux).
Respecter l’équilibre oméga 6/oméga 3
Les huiles figurent donc parmi nos principales sources d’acides gras polyinsaturés (oméga 6 et 3), indispen-sables à l’organisme. Les oméga 6 sont en effet précurseurs de composés inflammatoires nécessaires au système immunitaire tandis que les oméga 3 contribuent à la fluidité sanguine et à l’élasticité des vaisseaux sanguins. Mais ces deux AG doivent être apportés dans des proportions précises afin d’être correctement assimilés par l’organisme. Alors que le rapport idéal oméga 6/oméga 3 devrait être de 3 à 5, notre alimentation nous fournit en moyenne 12 à 14 fois plus d’oméga 6 que d’oméga 3 (1). Beaucoup d’huiles contribuent à creuser cet écart. Ainsi l’huile de tournesol, la plus consommée en France, est composée en moyenne de plus de 60 % d’oméga 6 et de moins de 0,2 % d’oméga 3. Quant aux huiles de noix et de soja, elles possèdent respectivement 12 et 5 fois plus d’oméga 6 que d’oméga 3. L’huile de colza, plus équilibrée avec 10 % d’oméga 3 pour 20 % d’oméga 6 peut en revanche nous aider à rétablir cet équilibre (2).
Les huiles très riches en oméga 3 sont fragiles
Les huiles très riches en oméga 3, à l’instar de l’huile de lin (60 %), de cameline (35 %), de chanvre (17 %) ou encore de pépins de cassis (13 %) sont difficiles à conserver et supportent mal la cuisson. Sous l’action de la lumière, de l’air libre ou de la chaleur, les oméga 3 fixent en effet l’oxygène, ce qui provoque leur rancissement, responsable d’une odeur et d’un goût désagréables (3). Des conditions de chauffage « appuyées » (en durée, répétition, et température) peuvent conduire à la production de peroxydes lipidiques potentiellement cancérogènes. Elles doivent donc être réservées à l’assaisonnement et conservées à l’abri de la lumière et de la chaleur ou au réfrigérateur pour les plus fragiles (lin, chanvre et cameline).
L’huile d’olive est riche en antioxydants
Si le profil lipidique de l’huile d’olive, composée à 80 % d’oméga 9 et dépourvue d’oméga 3, ne présente pas d’intérêt particulier pour la santé, celle-ci est en revanche un concentré de poly phénols, tocophérols, et vitamine E. Ces derniers, des antioxydants produits par l’olive pour protéger ses acides gras de l’oxydation, ont également un effet protecteur pour nos cellules.
En 2013, une étude a confirmé l’effet protecteur d’une consommation régulière d’huile d’olive contre les problèmes cardio-vasculaires, le diabète et l’hypertension (4). Il faut cependant privilégier les huiles portant la mention « vierge » ou « pressée à froid » car le raffinage, qui permet une meilleure stabilité à la cuisson, réduit la teneur en antioxydants. Un conseil également valable pour l’huile de noix, riche en vitamine E.
SOURCE Sciences et Avenir n° 817 mars 2015 - Marie-Noëlle Delaby
DR PHILIPPE LEGRAND Directeur du laboratoire de nutrition humaine de l’lnra à Rennes : Le cas particulier de l’huile de palme
« Outre son impact sur l’environnement, l’huile de palme doit sa mauvaise image à sa forte teneur en acides gras saturés à longue chaîne (50 %) dont la consom-mation excessive est un facteur de maladies cardio-vasculaires. Mais notre consommation moyenne de produits industriels (pâtes à tartiner, plats, viennoiseries...) ne présente pas de danger dans le cadre d’une alimentation équilibrée, tant qu’elle ne dépasse pas quelques grammes chaque jour. »
Lexique
Acides gras saturés : Acide gras dont l’ossature se compose d’une chaîne de carbone qui ne possède aucune double liaison.
Acides gras mono insaturés : (Oméga 9) Acides gras dont l’ossature se compose d’une chaîne de carbone qui ne possède qu’une seule double liaison.
Acides gras polyinsaturés : (Oméga 3 ET 6) Acides gras dont la chaîne de carbone possède plusieurs doubles liaisons.
Références
(l) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Saisine n° 2006- SA-0359, ANC AG ; mai 2011
(2) Les huiles végétales: particularités et utilités, J.-M. Lecerf, Médecine des maladies métaboliques – Juin 2011 - Vol. 5 - n° 3.
(3) Stabilité des oméga 3 selon le mode de chauffage et de conservation, Combe N.. Méd. Nutn, n° 1, 2003.
(4) Prevention of Cardiovascular Disease with a Mediterranean Diet, Ramôn Estruch, Primary et al., Nejm, 2013.
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