Plus on prend de traitements, plus on s'expose au risque d'effets indésirables. Il est temps d'en prendre conscience...
Ces chiffres font froid dans le dos : 10000 personnes meurent chaque année en France d'une auvaise utilisation des médicaments - c'est trois fois plus que les accidents de la route - et 130 000 autres malades se retrouvent hospitalisés pour la même raison. En cause notamment, la population qui vieillit. Au fil des ans, le corps se dérègle et la probabilité de souffrir d'une maladie, voire de plusieurs maladies chroniques, augmente, avec des traitements cumulatifs. Une étude parue début 2018 (Hanlon P. et con. BMJ Open) a montré, que dans 15 % des cas les personnes souffrant d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) se voient prescrire plus de dix médicaments différents. Ce qui accroît fatalement les effets indésirables: ces malades encourent deux fois plus de risques de chute ou d'atteinte rénale, souffrent trois fois plus de constipation et de rétention d'urine, sont sujets à quatre fois plus d'hémorragies. Le jeu en vaut-il la chandelle? De plus en plus de patients et de médecins se posent la question.
Des prescriptions inutiles.
Après 65 ans, le corps élimine moins bien les médicaments et nombre de molécules prescrites ne semblent alors pas toujours indispensables. Illustration avec les statines, des traitements anti-cholestérol. « Les débuter après un AVC ou un infarctus reste utile à tout âge. En revanche, des études ont prouvé que commencer les statines après 75 ans, en dehors des situations précédentes, présente sans doute plus d'inconvénients que d'intérêt (Journal of the American Medical Association, 2016)», illustre le Pr Yves Cotin, cardiologue au CHU de Dijon. D'autres travaux déconseillent la prescription de bisphosphonates (traitement contre l'ostéoporose) durant plus de trois ans chez la femme âgée. Quant aux ordonnances de Lévothyrox, qui ont explosé lorsque les dosages hormonaux sont devenus systématiques, une étude indépendante conteste leurs bienfaits chez les personnes de plus de 65 ans ayant peu de symptômes.
Des patients qui doivent s'impliquer.
La multiplication des traitements incite les patients à des oublis plus ou moins volontaires. Ainsi, 50 % des Français reconnaissent ne pas respecter la prescription de leur médecin selon un sondage Ifop pour Edelman et Mylan réalisé en février 2017, notamment à cause des effets secondaires. Un bon réflexe : mieux vaut en parler au prescripteur. «Mais trop peu de praticiens envisagent spontanément face à un symptôme qu'il puisse venir d'un médicament », déplore le Pr Jean-Louis Montastruc, chef du service de pharmacologie médicale et clinique du CHU de Toulouse. Son conseil : « Prescrire juste, au lieu de juste prescrire. » Reste que le patient ale droit de demander: «Ce médicament est-il vraiment nécessaire ? » Mais les médecins ne sont pas les seuls à garder le réflexe du tout médicament. Combien de malades insistent pour faire renouveler le spray qui débouche leur nez ou le somnifère sans lequel ils pensent ne pas pouvoir dormir, même si leur médecin les met en garde contre ces produits ? Pour se protéger, chacun doit aussi y mettre du sien. « Un de mes patients avalait onze cachets par jour, raconte le Dr Sevestre. Quand il a perdu 10 kilos, son diabète et son hypertension ont disparu.» Plus besoin de tant de traitements... Si un décret du 1er mars 2017 permet la prescription de sport sur ordonnance, c'est bien parce qu'il n'y a pas de meilleur médicament. Des pharmaciens à l'écoute Heureusement, le pharmacien peut faire barrière à nos excès, car il a accès au dossier pharmaceutique (DP) informatisé du patient. Ce DP, établi pour chaque assuré qui le souhaite, centralise tous ses traitements, sur ordonnance et en automédication, pris les quatre derniers mois. Consultable chaque fois qu'on donne sa carte Vitale dans une pharmacie, il alerte en cas de risque. « Les plus de 65 ans ou les personnes en affection de longue durée (ALD) peuvent aussi demander un bilan de médication », informe Marc Paris de l'Union nationale des associations agréées d'usagers du système de santé (Unass). Ce nouveau type de bilan, gratuit, permet d'expliquer à son pharmacien d'éventuels problèmes ressentis à cause des traitements. Des ordonnances moins lourdes pour soigner mieux, tel est le nouveau défi. Il ne s'agit pas de supprimer soi-même ses traitements, mais de mieux dialoguer avec les professionnels. Se dégager de la consommation à outrance, en médecine aussi, c'est meilleur pour notre santé et celle de notre planète !
Des ordonnances moins lourdes, tel est le nouveau défi.
Plus de neuf femmes enceintes sur dix prennent un traitement.
Alors que la grossesse est une période particulièrement à risque d'effets indésirables pour le fœtus, 93 % des femmes enceintes françaises ont pris au moins un médicament. Par comparaison, le pourcentage se situe entre 44 % et 57 % dans les pays d'Europe du Nord, et il est de 64 % au Etats-Unis. Pire, les Françaises absorbent dix produits au cours de leur grossesse, tandis que les Américaines et les Scandinaves n'en prennent que deux ou trois. La bonne nouvelle? La France ne figure plus parmi les plus gros consommateurs de médicaments. Même si 90 % des consultations se concluent encore par une ordonnance chez nous, contre 45 % aux Pays-Bas, nous arrivons en sixième position en Europe en ce qui concerne les quantités de médicaments ingérés. Chiffres tirés d'une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), parue en octobre 2017.
Sources :
communiqué du Collectif bon usage du médicament, mars 2018.
Fémina n°862, Marie-Christine COLINON.
Sur ce site :