Près de 5 % de Français, majoritairement des femmes, se plaignent de maux attribués aux ondes émises par les smartphones, le Wi-Fi, etc. Une situation inconfortable qu'ils peinent à faire reconnaître...
Maux de tête, nausées, vertiges, palpitations, rougeurs cutanées, fatigue, troubles du sommeil, inconfort digestif... les symptômes de l'électro sensibilité sont pour le moins multiples et variables d'un individu à un autre. Les sources de tous ces problèmes ?
Des champs électromagnétiques : ceux de hautes fréquences utilisés en téléphonie mobile, à la radio, à la télévision ou encore dans les fours à micro-ondes mais aussi ceux de basses fréquences émis notamment par les appareils électriques et électroménagers (lampes, écrans d’ordinateur, plaques de cuisson). Or aucune preuve expérimentale solide ne permet actuellement d'établir un lien de causalité entre ce type d'exposition et les troubles décrits. C'est en tout cas la conclusion de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dans un rapport* fondé sur les recherches de quarante experts. Ainsi, aucune hypothèse pouvant expliquer les symptômes de l'électro sensibilité (causes génétiques et immunitaires, dysfonctionnement du système nerveux central, perturbations dans la production de neurotransmetteurs...) n'a été retenue.
Vers une reconnaissance médicale...
Autant dire que les personnes qui se plaignent de troubles liés aux ondes passent encore souvent pour des hurluberlus, voire pour des malades imaginaires. Combien de médecins, en France, les renvoient à l'hypothèse de troubles psychologiques ? Alors que le Royaume-Uni reconnaît l'électro sensibilité comme une maladie et la Suède comme un handicap. Si la piste psychosomatique ne peut pas totalement être écartée — la crainte de nuisances électromagnétiques produirait son lot d'inconfort — l’Anses estime cependant que les plaintes exprimées correspondent à une « réalité vécue ». Et, dans un avis plus récent, publié en octobre dernier, elle juge que les smartphones mis sur le marché avant juin 2017 émettent trop d'ondes lorsqu'ils sont placés près du corps, dans la poche du pantalon, par exemple. « C'est un bond en avant, assure Pierre-Marie Théveniaud, président de l'association Robin des toits, qui « équivaut à la reconnaissance de l'existence de l'électro sensibilité ».
Un parcours du combattant
Pour le moment, la situation des « malades » reste inconfortable: à défaut de critères précis de diagnostic, c'est à eux de mettre leur médecin sur la piste de leur « pathologie ». Et il s'agit souvent d'un véritable parcours du combattant ! Comme le montre celui de Joëlle, 57 ans, employée dans l'administration : « C'est lorsque l'on m'a changée de bureau que j'ai ressenti mes premiers symptômes : des maux de tête sévères, des acouphènes, des vertiges et des nausées. J'ai consulté le médecin du travail et ai demandé que des mesures d'exposition aux champs électromagnétiques soient réalisées. Elles se sont révélées plus importantes que dans mon ancien bureau! Finalement, il a fallu attendre trois ans pour que mon handicap soit enfin reconnu. Depuis, mon poste a été redéfini et je travaille à mon domicile. Aujourd'hui, je vais mieux, même si je me sens isolée socialement. » Selon Sophie Pelletier, présidente de l'association Priartem, «la plupart des personnes sensibles aux ondes voient leur tolérance aux champs électromagnétiques s'abaisser ou s'effondrer du jour au lendemain. C'est alors la grande débrouille. Elles cherchent une aide auprès d'un médecin qui se montre plus ou moins ouvert à la notion de l'électro sensibilité ».
De rares consultations
S'il n'existe pas de traitement qui soigne, une poignée de consultations de médecine environnementale, répertoriées sur le site de l'Anses, accueillent et accompagnent les électro sensibles. « Nous recevons des patients sur courrier préalable du médecin traitant et procédons à des entretiens longs, d'une heure environ, que des examens cliniques et neurologiques viennent compléter. Il nous faut, dans un premier temps, vérifier si leurs symptômes, qui peuvent être attribués à d'autres maladies, correspondent bien à un syndrome d'hypersensibilité. Dans ce cas, leur dossier est transmis au médecin du travail qui pourra alors proposer des aménagements de poste. En cas de handicap sévère empêchant toute activité professionnelle, j'aide à compléter un dossier à présenter à la Maison départementale des personnes handicapées », résume le Dr Dominique Tripodi, chef du service des pathologies professionnelles et environnementales au CHU de Nantes. Ces demandes de reconnaissance de handicap s'effectuent au compte-gouttes et peuvent inclure une saisine de la justice pour tenter de se faire entendre.
La piste des antimigraineux
Comment, dans ce contexte de lenteur administrative, soulager au plus vite les troubles liés à l'électro sensibilité ? «Environ 80 % des personnes concernées se plaignent de maux de tête. Celles qui acceptent un traitement antimigraineux vont beaucoup mieux; nous enregistrons un taux d'amélioration spectaculaire de l'ordre de 75 %. Cette hypersensibilité aux ondes, liée à une hyper irritabilité cérébrale, peut également engendrer des équivalents de crises d'épilepsie partielles que nous soignons avec des antiépileptiques ; nous adaptons les traitements en fonction des troubles ressentis comme les douleurs musculaires, les vertiges... », explique le Dr Laurent Chevallier, responsable de l'unité de médecine environnementale de la Clinique du Parc, à Castelnau-le-Lez, près de Montpellier. Quant au Dr Jacques Wajnsztok, installé à Paris et titulaire d'un diplôme de santé environnementale, il propose depuis deux ans une prise en charge qui vise à « renforcer les défenses de l'organisme et à assurer un fonctionnement optimal de toutes les chaînes métaboliques ». Ce qui passe notamment par une supplémentation en vitamines, en acides gras, en antioxydants, en enzymes, en minéraux, etc. La solution idéale serait, bien sûr, de supprimer la cause en réduisant au maximum les sources d'ondes, mais ce n'est pas une mince affaire, à moins d'habiter dans une zone dite « blanche », c'est-à-dire non couverte par les opérateurs.
*« Hypersensibilité électromagnétique (EHS) ou intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques (lEI-CEM) », rapport d'expertise collective, mars 2018.
Qui contacter ? (Pour une information et un soutien)
- Priartem Cette association militante agit auprès des instances publiques, informe et soutient les personnes électro sensibles dans leurs droits et leurs démarches à effectuer (médicales, juridiques, prêt de matériel de mesure aux adhérents, etc.).
- Robin des toits Outre son rôle d'information, cette association, lanceuse d'alerte, agit pour limiter l'exposition des personnes aux ondes lorsqu'un risque de santé existe (assistance juridique, actions en justice, etc.). Pour une mesure de champ électromagnétique
- L'Agence nationale des fréquences Si vous souhaitez connaître votre risque d'exposition aux ondes, cet organisme dépêche un laboratoire accrédité et indépendant qui procède à des mesures gratuites (locaux d'habitation et lieux accessibles au public). Le formulaire de demande (Cerfa n° 15003*02) est disponible sur les sites service-public et mesures ANFR
Source : Version Fémina n°935 28 février 2020 (Carole de Landtsheer)
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