Selon les propos de Bruno Moulia, directeur de recherche en biomécanique végétale à l'Inrae, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
On parle de plus en plus de neurobiologie végétale. De quoi s'agit-il?
En 1904, le botaniste indien Jagadish Chandra Bose a mis en évidence pour la première fois l'émission de signaux électriques au sein des plantes, un peu comme nos neurones transmettent des influx nerveux au cerveau. La neurobiologie végétale est l'étude des informations transmises via ces influx électriques et des actions qu'ils déclenchent.
Quelles sont les découvertes récentes?
Ce champ de recherche est en pleine explosion. On sait que les plantes sont capables de perception, sur le mode de nos cinq sens, mais aussi d'adaptation. Par sensibilité à la lumière, certaines cellules végétales parviennent à identifier les plantes voisines. En fonction de la hauteur et de la densité de ces concurrentes, la plante oriente sa croissance plus haut, ou au contraire s'étale au sol pour continuer à capter suffisamment d'eau de pluie et de lumière. On a montré aussi que les plantes communiquent: confrontées à une menace (un herbivore, un feu de forêt...), elles émettent des messages gazeux qui mettent en alerte leurs voisines. Celles-ci déclenchent alors des stratégies de survie telles que densifier leurs racines ou produire des tanins les rendant moins appétissantes. Et enfin, au sein de mon laboratoire, nous avons mis en évidence une forme de mémoire par exemple, un peuplier soumis à un vent risquant de le briser va se renforcer en orientant sa croissance vers la largeur du tronc plutôt que vers la hauteur. Et à chaque nouvel épisode venteux, l'arbre sera capable de réactiver ce mécanisme.
Peut-on parler d'intelligence végétale?
Il faut être prudent. Si je tape sur votre genou, vos nerfs envoient un influx électrique à votre cerveau, qui fait que votre jambe se tend. C'est un comportement observable, mais pas une preuve d'intelligence. Je me méfie du mot «intelligence», dont la définition se rapporte trop souvent à l'humain. Ce qui est sûr, c'est que les preuves qui s'accumulent concernant les plantes nous invitent à repenser notre place au sein du vivant.
La cuscute, une plante parasite, perçoit les signaux émis par le plant de tomates malade et s'en détourne, déployant ses filaments autour des plants sains.
Source : Ça m’intéresse n° 467 - janvier 2020.
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