1 à4% : C’est le taux d’Européens et d’Américains du Nord se déclarant végétariens (2/3 de femmes). La France compte 2 à 3 % de pratiquants contre 9 % au Royaume—Uni et 8 % en Allemagne (6).
Ce régime, qui exclut viandes et poissons tout en conservant œufs et lait, peut offrir une alimentation équilibrée.
Éliminer de son alimentation toute nourriture provenant d’animaux morts. Longtemps perçu comme excentrique et marginal, le végétarisme suscite un intérêt croissant. Les rayons cuisine, bien-être ou société des librairies abondent désormais en ouvrages consacrés à ce régime qui exclut viandes et poissons, tout en conservant œufs et produits laitiers, contrairement au végétalisme. Le végétarisme est même considéré par certains comme une réponse possible à la question de la laïcité dans les assiettes, comme en témoignait une tribune dans le quotidien Le Monde en mars 2015 où sept personnalités réclamaient une alternative végétarienne dans les cantines scolaires.
Que de chemin parcouru pour ce régime dont les adeptes ont longtemps été considérés comme des « babas cools » affaiblis et pâlots l « Jusqu’à récemment, les recommandations des nutritionnistes ont bien ancré dans la croyance populaire que la viande serait irremplaçable car elle donnerait “des forces” », estime Anne Jankéliowitch, ingénieure de l’alimentation dans son livre Végétariens : le vrai du faux (1). Aujourd’hui, le végétarisme est davantage pris en considération. « Tout se passe un peu comme si le temps avait donné raison aux végétariens », analyse Laurence Ossipow, sociologue et auteure de nombreux travaux sur le végétarisme (2). Nombre de ses pratiques et motivations philosophiques - respect de la vie animale, répartition plus équitable des ressources, gestion plus économe de la nature - sont désormais valorisées. Mais ce régime convient-il vraiment aux omnivores que nous sommes ?

L’alimentation végétarienne est globalement équilibrée.
La pratique la plus répandue relève des habitudes dites ovolacto—végétariennes qui éliminent de l’alimentation tout élément carné ou provenant d’animaux morts (viandes et poissons), y compris les graisses, les bouillons, les sauces. Les produits tirés de l’activité des bêtes vivantes (miel, œufs, produits laitiers) sont en revanche admis.
De l’avis des nutritionnistes, il s’agit d’une alimentation équilibrée si des légumineuses (lentilles, haricots secs...), sources de protéines, et des oléagineux (noix, graines, huiles...), sources d’acides gras essentiels, sont associés aux céréales et aux légumes consommés quotidiennement. Il se distingue donc du végétalisme ou « Véganisme » qui bannit tous les sous—produits animaux, pratique radicale critiquée par les experts en nutrition.

Elle subvient à nos besoins en protéines, tant en quantité qu’en qualité.
Les protéines fournissent neuf acides aminés indispensables à l’organisme (formation des os, de la masse musculaire, défense de l’organisme) mais que le corps n’est pas capable de synthétiser. L’idée que les protéines végétales seraient « incomplètes » a fait long feu. Des données fiables (3) ont montré que les protéines végétales fournissent l’ensemble des acides aminés essentiels à condition de pratiquer la complémentation protéique. Autrement dit d’associer les légumineuses (en moyenne 18 g de protéines aux 100 g) à des céréales (12 g aux 100 g) ou des fruits oléagineux et des graines (15 à 20 g aux 100 g).
Ces sources complémentaires doivent idéalement être fournies au cours du même repas, en associant par exemple les lentilles au riz ou les pois chiches à la semoule. Par ailleurs, les protéines de l’œuf possèdent tous ces acides aminés essentiels dans des proportions équilibrées. Deux œufs de 60g fournissent 15 a 16 g de protéines, soit l’équivalent d’un steak ou d’un filet de poisson de 100 g.

Réduire sa consommation de viande rouge est bénéfique pour la santé.
Le végétarisme va dans le sens des campagnes nutritionnelles qui tentent d’imposer une plus grande consommation de fruits, de légumes et de céréales et une baisse de la consommation de viande rouge qui, en France, a triplé en 70 ans. La vaste étude Epic menée sur 521 000 individus depuis quinze ans a montré que les sujets qui mangent le plus de viande rouge (plus de 160 g/j) ont un risque significativement plus élevé de contracter un cancer du colon que ceux qui en consomment moins. Des résultats publiés en 2013 estimaient ainsi que 3,3 % des décès survenus dans la population étudiée auraient pu être évités par une consommation de viande inférieure à20 g/j (4). En revanche, les études ne montrent pas de différences significatives entre les végétariens et les petits consommateurs de viande, proche du régime crétois ou du « flexivégétarisme ».

Œufs et produits laitiers sont de bonnes sources de nutriments
La vitamine B12, indispensable à la formation de l’hémoglobine du sang, est quasi absente des plantes mais présente dans le lait et les œufs. Quant au fer et au calcium, s’ils sont bien présents dans les végétaux (les légumineuses sont de bonnes sources de fer et le thym et la cannelle contiennent 10 fois plus de calcium aux 100 g que le lait), leur biodisponibilité demeure mal connue. Pour l’heure, les recommandations françaises sont donc de consommer des produits laitiers et des œufs pour couvrir ces besoins, en particulier chez l’enfant et l’adolescent à qui le régime végétalien reste vivement déconseillé.
Enfin plusieurs études récentes ont montré que les végétariens soufrent d’un déficit en EPA et en DHA, les deux formes actives des omégas 3 fournies par les animaux marins (5). Or ces acides gras essentiels peuvent être apportés de façon indirecte par certains végétaux (noix, huile de colza, graines de lin) riches en ALA, le précurseur végétal de l’EPA et du DHA. En revanche, la prise de compléments alimentaires à base d’oméga 3 n’a pas fait la preuve de son efficacité.

LAURENCE OSSIPOW Professeure à la Haute École de travail social (HETS) de Genève (Suisse)
La tendance est au « flexivégétarisme » « Le "flexivégétarisme”, ou végétarisme souple, s’impose depuis une petite dizaine d’années. Ses adeptes s’efforcent de suivre un régime fondé sur des produits végétaux et sur des sous—produits animaux, mais n’éliminent pas pour autant la viande et le poisson qui restent consommés à titre exceptionnel pour des raisons gastronomiques, gustatives ou conviviales. Les flexivégétariens diffèrent des végétariens “classiques” dans leur rapport à l’animal dont l’abattage n’est pas tenu pour un meurtre. Mais ils s’accordent pour diminuer la consommation de graisses et de protéines animales afin d’atteindre un meilleur équilibre alimentaire et écologique à l’échelle de la planète. »

Lexique
Végétalisme ou « véganisme ». Régime bannissant tous les sous-produits animaux et toute exploitation animale (cuirs, fourrures, tests sur animaux). ll s’inspire notamment du philosophe Peter Singer, « antispéciste », c’est-à-dire refusant l’énonciation d’une différence entre les espèces du vivant
Légumineuse. Aussi appelées légumes secs, elles désignent les graines comestibles présentes dans les gousses. Elles regroupent les fèves et haricots secs (haricots rouge, noir, blanc, mungo, soja), les lentilles et les pois secs (chiches, cassés...). Elles se distinguent par leur richesse en glucides complexes et en fibres.
Complémentation protéique. Les légumineuses sont riches en protéines (soja, 38,2 %, pois cassé, 33,1 %, haricot rouge et lentilles, 23 %) mais dépourvues de méthionine, un acide aminé essentiel. À l’inverse, les céréales et les fruits oléagineux possèdent de la méthionine mais sont pauvres en lysine. Leur combinaison fournit l’ensemble des acides aminés.
Sources
(1) Végétariens: le vrai du faux, Anne Jankéliowitch, Delachaux et Niestlé, 2015.
(2) La Cuisine du corps et de l’âme : approche ethnologique du végétarisme, du végétalisme, du crudivorisme et de la macrobiotique en Suisse, Laurence Ossipow Wüest, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997.
(3) « Dietary protein quality evaluation in human nutrition », FAO, Food and Nutrition Paper 92, 2011.
(4) « Meat consumption and mortality — results from the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition », Sabine Rohrmann et al, BMC Med/‘cine 2073.
(5) « 0mega-3 polyunsaturated fatty acids and vegetarian diets », Saunders et a|.,Med. J. Aust. 2073.
(6) « Avantages et désavantages d’une alimentation végétarienne pour la santé », rapport de la Commission fédérale de l’alimentation, Berne (Suisse), octobre 2006.
Sciences et Avenir n° 825 novembre 2015
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