Dans plusieurs de mes articles consacrés à la cathédrale de Strasbourg, j'ai évoqué la kabbale.
Ci-dessous quelques pistes de réflexion.
Entre tradition et renouveau, la kabbale, qui est une relecture éclairée de la Torah juive, est également un mode de vie, accompagnant l’homme au quotidien dans sa quête de lumière.
Issue de l’hébreu qabbalah, qui signifie « tradition » ou « recevoir », elle concerne d’abord les textes prophétiques et hagiographiques de la Bible jusqu’au Moyen Âge, où elle finit par désigner la mystique juive et les traditions ésotériques du judaïsme. Aussi la kabbale consiste-t-elle en une relecture de la Torah, révélant le sens caché de ses lois, ses histoires, ses figures, ses mots et ses lettres. Loin d’être un discours gratuit, elle tente de répondre à des questions fondamentales :
Qu’est-ce que le monde, que Dieu, que l’homme, et qu’en est-il de leur rapport?
Pourquoi, comment et quand Dieu a-t-Il créé le monde et l’homme, pourquoi et comment se révèle-t-Il au monde et à l’homme,
Quelle responsabilité en découle pour l’homme envers Dieu et le monde?
Voyage intérieur et sefirot
En essayant de percer les secrets de la Torah, les kabbalistes ont donc cherché les voies permettant d’accéder à la divinité. Dans cette perspective, ils ont élaboré six mille textes environ, desquels ressortent le Livre de la Création (Sefer Yetsira), le Livre de la Clarté (Sefer Ha-Bahir) et le Livre de la Splendeur (Zohar), où l’on trouve, entre autres, des explications sur Dieu, la création du monde et la responsabilité de l’homme face à la nature, le char céleste qui concerne la dynamique du cours de l’histoire et les événements dans le temps, la science des Lettres et la transmigration des âmes. Autant de sujets qui permettent de comprendre le destin de l’être humain : entreprendre le voyage intérieur qui le mènera jusqu’à sa réalisation spirituelle et l’accomplissement du monde selon les desseins de Dieu.
Dieu est l’origine de toute la création. Soucieux de ne pas l’enfermer dans un concept limitant, les kabbalistes préfèrent parler de l’Ein Sof, la transcendance divine absolue, cachée et infinie. Pour permettre la création, la conscience divine illimitée s’est rassemblée et contractée en un point (« tsimtsoum »), créant un vide d’où a jailli la lumière ou l’énergie créatrice.
De cette énergie émanent les vingt-deux lettres hébraïques, les dix sefirot, ou puissances divines, et les quatre mondes de l’émanation, de la création, de la formation et de la fabrication, où elles s’étagent – à travers lesquels Dieu se manifeste dans l’univers.
Considérées comme l’essence du divin et ses attributs, les sefirot constituent donc le lien entre Dieu et la création. Elles sont habituellement représentées dans un diagramme en forme d’arbre et portent chacune un nom : Keter, Hokhma, Bina, Hesed, Gevura, Tif’eret, Netsah, Hod, Yesod et Malkhut. À l’origine du monde et de l’homme, elles permettent également de comprendre le déroulement de l’histoire et son but. Selon le principe que tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est bas, et inversement, l’homme est fait à l’image du monde séfirotique. Son âme est divine. Ainsi est-il destiné à intégrer l’ensemble de ces puissances pour agir sur les mondes humain et divin, grâce à ses prières et aux préceptes de la Torah. En remontant tous les degrés séfirotiques vers leur source originelle, il peut mener le monde à sa réparation (tiqqun) et son parachèvement.